Mythes nuagins

 

Voici plusieurs autres légendes qui font partie de la mythologie nuagine, et développent les mêmes figures et les mêmes thèmes que la Cosmogonie.

Le mythe du ciel enterré

Le mythe du ciel enterré est un peu aux Nuagins ce que le Ragn'arok était aux peuples du Nord dans le monde réel : une fin du monde catastrophique. Chez les Nuagins, elle prend la forme d'une peur profondément enfouie dans leur imaginaire, une crainte dont ils redoutent la réalisation, mais elle n'est pas pour eux une fatalité. Elle ne se réalisera que si les Nuagins commettent trop d'erreurs, et il est donc possible de l'empêcher. Reste bien sûr à savoir comment faire...

Le Fagnah'Kepfh s'est produit dans des temps très anciens, mais le monde est encore jeune, et le règne des Dieux n'est plus aussi assuré depuis que Pfarxal, puis Fagnah', sont nés et ont développé leur pouvoir propre contre toute attente. Wholz et les Dieux séjournent dans le Palais des Limbes, et le Serpent-Horizon protège le Haut-Ciel contre toute velléité d'invasion des forces brutes de l'En-Bas ; Fagnah', avatar de destruction, a conclu un pacte avec Wholz, qui l'a enfin reconnu comme son enfant après l'avoir banni avec horreur lors de sa naissance. Mais les Nuagins disent que la duplicité est dans la nature de Fagnah', et qu'un jour viendra peut-être où, furieux de ne pas être admis dans le ciel auprès des autres dieux, il se lancera à la conquête de l'En-Haut, s'étant allié avec les Créatures de l'Amas jadis façonnées par Pfarxal.

Quand arrivera ce jour, la terre envahira le ciel, des colonnes de roche, de lave et de terre jailliront depuis les continents, loin en bas ; Fagnah' dévorera Rhéan, le Serpent-Horizon, pour leur ouvrir la voie, et elles monteront parmi les nuages, dépasseront les murs et les tourelles du Palais des Limbes, jusqu'à masquer la lumière des étoiles. Il n'y aura plus ni jour ni nuit, ni Haut ni Bas ; le monde ne sera plus qu'un nouveau chaos originel, non plus un Océan comme l'était Frême au début des temps, mais une Boue mêlée de terre, d'eau et de fragments de pierre. Les feux de la lave s'éteindront, il fera de plus en plus froid, au point que les nuages, l'air et l'éther même de l'espace finiront par geler ; les êtres mortels et les dieux se figeront et seront paralysés, et tout restera définitivement immobile.

Ce mythe a été rapporté par Swann Koja dans ses Récits de voyage chez les Nuagins ; les érudits hiscontes, cherchant à l'interpréter de façon "rationnelle" (sport très à la mode chez les érudits hiscontes), ont pensé et pensent encore que cette crainte de fin du monde a pour origine les éruptions des volcans au-desus desquels passent régulièrement les nuages-colonies des Nuagins : impressionnés par les explosions de lave et les gigantesques projections de roches et de cendre qui constituent des panaches pouvant s'élever à des dizaines de kilomètres de hauteur, ils en seraient venus à élaborer ce mythe, peut-être à la suite de dégâts causés par de fortes éruptions à certains de leurs nuages habités qui ls survolaient alors. Cette hypothèse a surtout l'avantage de venir appuyer les théories des érudits hiscontes sur le fonctionnement de l'écosystème stable du Haut-Ciel, plus précisément sur l'origine des plaines stratosphériques : d'aucuns avancent que les roches qui flottent dans la Stratosphère de Fantasia sont les traces d'anciennes éruptions colossales, qui les auraient arrachées aux profondeurs du sous-sol pour les lancer haut dans le ciel, suffisamment haut pour qu'elles ne retombent jamais. Mais les détracteurs de cette théorie objectent que d'une part, rien ne prouve que les éruptions des volcans fantasiens soient moins puissantes aujourd'hui qu'elles ne l'étaient autrefois ; et que d'autre part, il est étrange que la pesanteur soit assez forte dans la stratosphère pour faire tomber tout corps lourd qui s'y élève (les aéronautes le savent trop bien), et en même temps assez faible pour que des plaines stratosphériques entières flottent sans tomber ; il faut donc chercher plutôt une explication, disent-ils, dans quelque propriété remarquable des roches dont elles sont faites. Remarquons que ces deux hypothèses ne s'excluent pas entièrement, et qu'il est possible qu'une éruption arrache au sol des roches douées de propriétés antigravitiques qui restaient invisibles tant qu'elles étaient enfouies dans les profondeurs de la terre.

Quelles que puissent être les origines de ces croyances, elles ont le mérite d'expliquer et dans une certaine mesure de justifier l'attitude prudente, voire craintive, des Nuagins pour tout ce qui touche à l'En-Bas : et comment n'en serait-il pas ainsi à l'égard de ce qui peut être un jour ou l'autre la cause de la destruction du monde ? Swann donne sa propre interprétation à la suite du récit qu'il fait de ce mythe, et ajoute que cette fin du monde conçue comme une ère glaciale indéfinie, où tout est fixe, montre une peur tout à fait opposée à celle des peuples de l'En-Bas, mais tout à fait normale et compréhensible chez un peuple qui vit dans un milieu perpétuellement mouvant : quoi de plus terrible, pour qui est habitué à la lente dérive des nuages et à leurs constantes altérations de forme et de couleur, qu'un monde où tout resterait identique à soi-même pour l'éternité ?

*


Retourner à l'Index des Nuagins

Retourner à l'Atlas