Les Forestiers (par Wenlock)

 

On trouve sous cette appellation la grande variété des "Rangers" et "Scouts" de D&D et JRTM autant que les "forestiers" définis dans Warhammer et certains liens avec les "Rogues" de ce même D&D: éclaireur, pisteur, guide, trappeur, chasseur, brigand, "Maître des Animaux" et autres Hommes des Bois, des Collines, Montagnes, etc. Leurs principales caractéristiques étant en général un lien étroit avec la nature, quelques connaissances martiales et des compétences liées aux déplacements et à l'observation (orientation, déplacement silencieux, pistage, course de fond, escalade, natation, équitation, camouflage, surveillance, détection des pièges ou des embuscades, survie...). Même s'ils tendent à l'autonomie, les forestiers s'orientent souvent vers une spécialisation qui les rapproche d'une fonction de Barde (dresseur-montreur d'ours, guide ou caravanier, intermédiaire-interprète,...), de Combattant (les armes de chasses deviennent vite armes de guerre et les éclaireurs sont les yeux et les oreilles des armées) ou de Voleur rural (discrétion, utilisation du terrain, capacité d'observation et de repérage, "bandit de grand chemin",...).

Souvent autarciques, les forestiers arpentent les régions les moins peuplées et ont une activité économique limitée (saisonnière, difficilement prévisible, majoritairement tournée vers la subsistance immédiate) ou illégale (braconnage, brigandage, contrebande...), ce qui les marginalise généralement. Cette marginalité peut-être la source et/ou la conséquence de caractères souvent fermés, allant de "bourru" à "anti-social" en passant par "farouche", "méfiant", "sauvage" et nombre de dénominations qui les assimilent principalement au monde animal, effet accentué par un animisme plus ou moins affirmé et la sur-représentation des "forestiers" dans les cultures primitives, "barbares" ou nomades ("chasseur-cueilleur" néandertalien, "guerriers-chasseurs" Amérindiens, Inuits, Amazoniens, Africains etc. ). On les dit sales et frustes, on leur attribue des tendances violentes (comme aux guerriers), malhonnêtes, sournoises et "bestiales", et ils sont donc source (et dépositaires) de mythes plus ou moins répandus comme les meneurs de loups, lycanthropes et hommes-arbres, "totems", cannibales, vampires, lutins, elfes, satyres et autres centaures.

Le règne animal est justement l'un de leur principaux champs de connaissance et le forestier doit pouvoir identifier et connaître les habitudes de nombreuses espèces, évidemment pour les débusquer ou s'en prémunir, mais aussi parce qu'il peut en déduire toutes sortes d'informations sur le milieu où il évolue: en croisant la piste d'un animal, il peut supposer la présence d'eau, de plantes ou de proies dont il est friand, son comportement indique au forestier une présence humaine, la saison du rut, un futur rassemblement ou d'autres éléments qui peuvent être utile à la chasse, la cueillette, la sécurité, l'orientation, les "prévisions météorologiques"... On retrouve l'archétype du Pisteur Indien auquel son attention et ses connaissances "naturelles" permettent de déduire d'une poignée d'indices une foule de renseignement sur son environnement. D'une certaine manière, il s'immerge dans la chaîne logique de son environnement et, comme tout y est plus ou moins liés, le décrypte et en apprends bien plus que ce qui lui est directement perceptible. Et si dans cet environnement il est familier des autochtones, de la topographie, de la météo, des plantes -qui sont au Moyen Âge la principale source "pharmaceutique" ("simples", purgatifs, compléments alimentaires, psychotropes,...) et comprennent nombre d'espèces comestibles sauvages, des animaux ou habitants fantastiques (monstres variés, faëries, esprits-totems), il y est en général confiné. Ses connaissances dépassent évidemment le cadre de sa région d'origine, mais ne s'étendent d'ordinaire qu'à un type de "terrain": zones montagneuses, littorales, boisées, sèches ou humides, dont il est spécialiste. Le forestier "autochtone" est alors plutôt un semi-nomade, en mouvement perpétuel sur un territoire auquel il est attaché et qu'il défend à l'occasion contre d'éventuels intrus... Si le milieu est particulièrement hostile, il induit une attitude majoritairement défensive, mais incite également à l'entraide, recréant le stéréotype de l'indigène distant mais hospitalier répandu dans tous les romans d'aventures.

Alors pour échapper à l'archétype, on peut creuser sa "raison d'être forestier": elle peut venir d'un désir réel de solitude (ermite en quête de spiritualité ou de "naturel", guerrier en auto-formation, asociabilité psychotique/lycanthropie galopante, membre d'une communauté cultivant un mode de vie secret ou "naturaliste"), d'une nécessité politico-militaire (patrouille de surveillance, bastion isolé, poste frontière, mission géographique, maquis rebelle ou camp de brigands, minorité religieuse ou ethnique opprimée) ou économique (présence de gibier, d'animaux à fourrure, d'un gisement de minerai, de plantes ou d'arbres "fonctionnels", d'une source de magie, exploitation d'une route commerciale officielle ou secrète), être la conséquence d'une aptitude développée par hasard ou nécessité (les premières unités scouts de Baden-Powell étaient composées des conscrits trop jeunes ou frêle pour combattre) et renvoyant alors aux forestiers "mixte", qui sont également combattants, marchands, artisans, voleurs, prêtres ou baladins.

L'isolement culturel et les contraintes du milieu donnent alors aux forestiers des coutumes particulières, parfois incompréhensibles aux étrangers, des tabous ou des croyances nées d'une vie précaire et très ritualisée: on peut s'excuser ou remercier sa proie, offrir des sacrifices aux esprits protecteurs, réserver certaines armes à une caste particulière, vivre au rythme de la lune ou des cycles naturels, refuser certains aliments (les tabous alimentaires étant souvent nés de problèmes d'hygiène ou de conservation), craindre ou vénérer une espèce animale ou végétale, interdire un lieu "sacré", offrir ses prises au chef ou à l'hôte, réagir à des"signes" métaphoriques ou très concrets, jeûner ou veiller à certaines périodes... Plus que de simples contraintes quotidiennes, ces rites sont l'expression d'un mode de vie, d'une religion ou d'une philosophie et peuvent peser beaucoup sur le caractère ou le mode de pensée d'un personnage, lui donner non seulement une originalité, mais aussi une plus grande adaptation à son environnement et à sa fonction (la culture amérindienne est particulièrement riche de cela).

Les contraintes très fortes de cet environnement le sensibilisent plus que tout autre à la conservation de son matériel et de ses armes: dans un milieu perpétuellement hostile on ne gâche pas ses flèches à tirer au hasard, on ne bâcle pas l'entretien d'un outil quelconque, même bas de gamme, lorsqu'on risque d'en avoir encore souvent besoin avant de pouvoir le remplacer. Le matériel de qualité y est d'autant plus précieux que le peu d'approvisionnement extérieur fait monter les prix alors que l'activité économique limitée ou contrainte ne dégage qu'un maigre bénéfice. En outre, le forestier étant tenu à une mobilité quasi-permanente, il ne peut se permettre de transporter du superflu et son paquetage ne se constitue que de l'indispensable. Une des solutions à ces problèmes est d'apprendre (souvent oralement: source d'autres légendes et d'autres rites "didactiques") à fabriquer soi-même son matériel, sur la base de matériaux naturels mais pas toujours durables et performants, à se procurer sur place les denrées périssables ou encombrantes. Le forestier ajoute alors à ses capacités une certaine habileté manuelle, un profond sens pratique et celui de l'improvisation, en un mot, le "système-D" (pour les nécessités ordinaires du jeu, un manuel de scoutisme -catholicisme en option!- ou un vieux "Castor Junior" ou "Copain des Bois" peut déjà apporter quelques bases). Plus que du "macgyverisme" de mauvais aloi, le forestier compétent doit rechercher la simplicité efficace, l'évidence ingénieuse, qui va s'appliquer tant à ses divers "bricolages" qu'à son emploie du temps (économisant son temps et son énergie pour la marche, le combat ou le travail), l'organisation d'un bivouac suivant des critères variables (confort, discrétion, sécurité ou rapidité d'installation/désinstallation) et la rentabilisation de l'environnement (survivre c'est prévoir, pas épuiser les réserves). Mais loin de seulement se débrouiller, certains deviennent à la longue (et par nécessité) d'excellents artisans et ouvriers, jouissant d'un savoir parfois millénaire et souvent plus ou moins secret, les arcanes de l'une ou l'autre technique étant réservée aux membres de la communauté et aux méritants, tant pour ne pas gâcher de matériau avec les élèves les moins prometteurs que pour lier la connaissance à la maturité de celui qui l'utilisera. Le savoir-faire devient alors rituel et l'enseignement initiation.

Evidemment, tout cela laisse peu d'énergie pour le "dispensable": le forestier est généralement moins enclin que d'autres aux divertissements, à l'exubérance ou aux plaintes, aux paroles inutiles et à la clémence. Son univers est à peine moins dangereux que celui des guerriers, mais lui n'a pas à craindre que des autres combattants. Il économise ses mots pour garder son souffle et rester discret, ne fais ni geste ni effort inutile mais, paradoxalement à ses tabous parfois envahissants, il ne s'embarrasse pas de scrupules ou d'impératif moraux, ce qui le rends à la fois beaucoup plus inflexible sur tout ce qui touche à la survie et bien plus tolérant que la plupart des "civilisés" envers les vices réels ou supposés de leur contemporains. Pour le forestier, le bien est davantage l'utile que le beau, le juste ou le "normal".

Pour aller dans le sens de ce souci d'efficacité, voici quelques astuces en vrac souvent utiles aux forestiers:

-camper dans une clairière répond certes à des exigences de confort, mais pas aux contraintes de sécurité: cela signifie abandonner le couvert à d'éventuels ennemis en se plaçant soi-même à découvert, sans parler des intempéries. En cas de menace, on fera l'inverse: camper dans un bosquet isolé procure abri (relatif, c'est vrai), protection et camouflage, tout laissant une bonne visibilité sur le terrain environnant. De manière générale, le temps imparti à trouver et aménager un lieu de bivouac doit être proportionnel au temps qu'on compte y passer, au delà de 2 jours pleins, creuser des "feuillets" (vulgairement appelés "chiottes": un trou plus profond que large où l'on couvre les excréments d'une couche de terre à chaque fois) devient indispensable tant au confort, qu'à l'hygiène ou à la sécurité (c'est fou les bestioles qu'attirent les odeurs fortes!).

-lorsqu'un campement doit être discret mais ne peut se passer de feu, on utilise la méthode du feu enterré: on creuse un trou conique dans le sol et on élève le surplus de terre en une petite bordure; un feu minimum (le peu d'aération le limite de toutes façons) peut y être maintenu avec une relative discrétion.

-la chasse à l'affût est généralement plus fructueuse à l'aube et au crépuscule: le gibier sort ou rentre aux terriers, se rassemblent pour certains autour des points d'eau. C'est également l'heure des meilleures attaques; plus discrètes qu'en plein jour, elles dispensent (à distance moyenne) des évidents problèmes de l'attaque nocturne: difficultés de déplacement, de repérage et de reconnaissance des cibles ("Paf!_Dommage, c'était pas le bon!") tout en arrivant généralement à l'heure où les sentinelles fatiguent.

-lorsqu'on chasse un prédateur, bien se mettre en tête que lui aussi sait suivre une piste, se cacher, attendre et frapper là où on ne l'attends pas. Certains (loups, renards) sont même capables de créer de fausses pistes, de masquer leur traces ou de tendre des embuscades (ours, félins, loups, sangliers,...) lorsqu'il se savent suivis.

-une excellente méthode pour attraper des oiseaux ou de petits animaux sans les blesser consiste à choisir des fruits très odorant (très mûrs par exemple) qu'on asperge d'alcool fort avant de les laisser en bonne quantité sur la piste d'un terrestre ou prêt du nid d'un oiseau. Embusqué à distance raisonnable, le chasseur pourra observer que ses proies consomme en général fruits et alcool sans retenu, mais s'écroule souvent ivre mort à quelques pas de leur festin (in "Le vieil homme qui lisait des romans d'amour" de Luis Sepùlveda).

quelques maximes très "scout": "ce qui n'est pas indispensable n'est pas nécessaire", "le hasard est un ennemi: ne jamais rien lui laisser", "survivre n'est pas réagir, c'est prévoir", "tout ce qui bouge n'est pas vivant, mais tout ce qui ne bouge pas n'est pas mort", ...

-distinguer quelques accessoires indispensables du matériel "compensable": avant tout un bon couteau bien aiguisé (sert pour le gibier, le bricolage, la chirurgie, la sculpture, le rasage, la confection et éventuellement le combat: un must!); briquet (=silex+ergot de fer+mèche d'amadou) ou pot à feu (en terre ou céramique, où conserver des braises jusqu'à 36/48 heures! A ré-alimenter régulièrement); vêtement de pluie et protections imperméables (en cuir, peau ou simplement huilés: non seulement l'eau mouille, mais elle rouille les armes, gâte les denrées, pourri tissus, boiseries et cordage -et donc les arcs; elle enrhume les gens, mouille le petit bois et les torches: un bonheur!); gamelle en fer (pour la cuisson surtout, mais aussi pour faire bouillir l'eau avant consommation, recueillir poudres et liquides); si possible une hachette (on utilise pas un couteau ou une arme pour couper le bois: ça émousse énormément le tranchant! La hachette peut également servir à creuser -terre, bois et certaines pierres, à marteler, à ancrer une corde ou à combattre, mais moins...); au moins une couverture; un bon arc et quelques flèches d'avance (ainsi que des pointes de flèches en fer, le bois et l'empennage sont "compensables"); un minimum de corde (pas trop: ça pèse! Ca peut se fabriquer, si on a beaucoup de temps devant soi); hameçons; gourde/outre; matériel d'escalade si nécessaire (Manufacturé! Pas question de "bricoler" ce type d'équipement); de l'alcool fort (pour donner du courage, désinfecter, anesthésier, conserver certains aliments) et du pain de route (bonne base alimentaire), tous deux impossibles à fabriquer sans beaucoup de matériel... le tout dans un bon sac à dos/gibecière/fonte imperméable.

Dans la catégorie "compensable": la graisse (plutôt animale, pour le cuir, certaines armes, les torches, la conservation de certains aliments...bien sûr, il y a une odeur.), les flèches (il faut bien s'y connaître et avoir des pointes avec soi; choisir un bois souple et des plumes assez grandes), la nourriture (on chasse, on pêche, on cueille,...pour la conservation: faire sécher, cuire éventuellement, garder à l'abri de l'air et de l'eau dans de la graisse ou de l'huile, par exemple. L'eau doit être changer régulièrement pour ne pas croupir; dans les pays chauds, on préfèrera les outres en peau qui "transpirent" et conservent l'eau à une température raisonnable, mais ça donne un goût...), le fil de pêche et autres ficelles ou lacets (Boyaux! On torsade avant de faire sécher et on graisse régulièrement. Les vessies peuvent contenir des liquides...), torches (un fagot très serré, bien sec et graissé), collets et pièges (ficelles-boyaux, bois,...), épieu (un bois dur et droit, qu'on affûte et qu'on pétrifie à la flamme), sacs et couvertures supplémentaires (peaux et fourrures: bien racler la graisse, sinon ça pourrit, et bien laver)...

 


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