La Tavernoise
 

Heureusement pour les voyageurs, la Tavernoise est un prédateur fort peu répandu en Hiscontie ; il apparaît beaucoup plus dans les contes et légendes que l'on raconte au coin du feu que dans la réalité. Mais malheureusement, on a tendance à conclure trop vite que la Tavernoise a pratiquement disparu des pays stables, et qu'il vaut mieux ne pas s'en soucier. Erreur. Car il y a, entre "pratiquement disparue" et "complètement disparue" une différence qui a déjà coûté la vie à de nombreux explorateurs imprudents.

Car la Tavernoise est vicieuse. Elle n'est pas de ces monstres qui se jettent en hurlant sur leurs victimes pour les lacérer à coup de griffes. Non, sa technique est beaucoup plus complexe ; à tel point que ceux qui se trouvent pris à son piège pensent rarement à se sortir d'affaire, tant ils sont ébahis et pensent s'être égarés dans un mauvais cauchemar.

En fait, la Tavernoise n'est pas vraiment un animal ; mais elle n'est pas non plus une plante. Ni non plus un bâtiment construit et aménagé par des humains, ainsi qu'on pourrait le croire au premier abord. Bref, le plus simple est de vous dire comment elle s'y prend pour dévorer les aventuriers, cela vous sera plus utile le moment venu.

La plupart des Aventuriers qui aperçoivent une tavernoise ne la reconnaissent pas comme telle. En effet, la Tavernoise possède un camouflage très, très astucieux et complexe : elle se fait tout simplement passer pour une auberge. Oui, une simple auberge en pierre, à toit de chaume, avec une porte en bois, des fenêtres pourvues de volets, une cheminée, des tables, des chaises et des clients, l'atmosphère enfumée de tabac et de conversations qui les caractérise : tout y est. Parfois, le patron de l'auberge - ou un serviteur quelconque - flâne sur le pas de la porte et invite les Aventuriers à entrer. Certaines fois, même, l'imitation est raffinée au point qu'une, voire deux ou trois montures (bartuks, schmürxzls ou même hexapodes) attendent près du mur au bout de leurs longes, devant un abreuvoir. Or, rien de tout cela n'est vrai ! mais pour le reconnaître, il faut avoir déjà rencontré une tavernoise auparavant... et y avoir survécu... ce qui est encore plus rare que de rencontrer une tavernoise tout court. Qui se douterait, en entrant dans une auberge, que tout ce qu'il voit, y compris le comptoir, les chopes de zyrpha et les clients, n'est qu'un génial et immense leurre ?

Or donc, la première réaction des Aventuriers en voyant une telle auberge - et celle-ci peut surgir presque dans n'importe quelle région, isolée au beau milieu d'une plaine comme un relais de poste, ou à demi cachée par les arbres, à la lisière d'une forêt - leur première réaction, disais-je, sera d'y entrer. Funeste erreur. Car si tout leur paraît conforme à ce que l'on trouve dans une véritable auberge, à peine la porte se sera-t-elle refermée derrière eux que tout se dissipera : le tenancier, les serveurs, les clients, les chopes moussues posées sur les tables, le feu dans la cheminée et le bartuk plumé en train d'y rôtir, jusqu'à la fumée des pipes, tout s'évanouira - comme des fantômes - pour ne laisser qu'une pièce vide, lugubre et assombrie.

Surprise, ébahissement des nouveaux venus. Mais ils ne sont qu'au début de leur mésaventure - car en quelques instants, le mobilier s'anime ! cependant que les volets des fenêtres se referment en claquant - tout seuls ? - plongeant les visiteurs dans l'obscurité, les tables marchent sur leurs quatre pieds, les tabourets de même : tout cela s'approche des Aventuriers, en émettant des grincements sinistres de bois en mouvement. Sur le bois des tables et des tabourets, on peut alors voir avec effroi des échardes, des pointes, des branches en forme de mains crochues, qui poussent à vue d'oeil, grossissent, grandissent, donnant au monstrueux mobilier l'allure d'une armée de fauves croisés avec des porcs-épics. Cette armée de bois grinçant semble insensible à tout aux coups d'épée ou de hache, même au feu - ce qui est pire, car le bois enflammé continue d'avancer vers les Aventuriers pour les encercler et se presser toujours plus près d'eux. Lorsque les malheureux voyageurs se retrouvent acculés au mur, c'est la pierre derrière leur dos qui s'anime à son tour, et une large gueule s'ouvre dans le mur, pleine de crocs acérés et brillants ; une langue de brique, surgie d'un gosier noir, claque comme un serpent dans un océan de salive. Si personne ne fait rien - et c'est hélas, souvent le cas des victimes terrorisées - l'engloutissement est assuré.

Car l'auberge est vivante - d'où son nom de tavernoise, la plus sournoise des tavernes. Les clients et l'aubergiste n'étaient que des illusions, des appâts ; quant aux tables et aux tabourets, ce sont, à ce qu'en disent les érudits, l'équivalent de nos enzymes digestifs. Car tout l'intérieur de l'auberge n'est autre que l'estomac énorme de la tavernoise, dans lequel, sans s'en rendre compte, entrent tout ceux qui pénètrent dans cette "auberge". La bouche-dans-le-mur est un mystère de la créature : où mène-t-elle ? seules les victimes le savent précisément : à la mort, sans aucun doute !

Mais tout n'est pas perdu lorsque le bois vivant encercle les voyageurs dans la salle de l'auberge qui dévore... Les aventuriers courageux qui ont pu surmonter leur peur ont réussi à sauter par-dessus les tables pour briser l'encerclement perfide (et ce, bien que certaines tables n'hésitent pas à se cabrer comme des chevaux sur deux de leurs pieds, et que les tabourets cherchent à faire trébucher tous ceux qui s'approchent d'eux). Certains parviennent jusqu'à la trappe qui mène à la cave.

Ici, les récits diffèrent, probablement à cause des variantes utilisées par les tavernoises dans leur camouflage. Selon certains, la cave est elle-même une gueule garnie de crocs et semblant dépourvue de fond, vers laquelle les tables poussent les voyageurs lorsque ceux-ci ont malencontreusement ouvert la trappe. Selon d'autres, cette trappe mène effectivement à une cave. Mais quelle étrange cave ! des bataillons de tonneaux sont rangés le long des quatre murs. A l'arrivée des intrus, un visage rougeaud et bouffi se modèle dans le bois de leur couvercle rond, et ils commencent à cracher du vin par la bouche et par le nez, ce nez n'étant autre que leur robinet. Si on les frappe, ils pleurent aussi du vin par les yeux. Rien ne peut les empêcher de déverser ce vin à flot, à tel point que la cave est vite inondée. Les vapeurs de vin sont légèrement soporifiques, et amoindrissent la vigilance de ceux qui sont entrés dans la cave ; or, les tables et tabourets perfides cherchent à profiter de ce répit pour refermer la trappe, seule issue de la pièce souterraine, pour y emprisonner leurs victimes. Quand cela arrive, la mort se fait par noyade... d'autant que, selon quelques érudits non dépourvus d'imagination fantastique, le vin n'est autre qu'un acide gastrique, lui aussi camouflé !

Comment, alors, échapper à la tavernoise une fois qu'on y est entré ? La seule solution semble être de grimper par la cheminée. Est-ce là une erreur de la tavernoise dans l'élaboration de son apparence, ou bien une nécessité naturelle, que de laisser ouvert cet unique orifice ? toujours est-il que le trou de la cheminée constitue la seule échappatoire à cette nasse cruelle. Finalement, quand on y songe, l'issue n'est pas bien difficile à trouver. Mais sera-ce aussi simple pour nos Aventuriers, plongés dans le noir, harcelés par des tables hérissées d'échardes, grognant et grinçant comme des panthères mécaniques, eux qui s'attendaient à passer la soirée bien au chaud autour d'une table ?

Cette étrange créature est sans doute une autre invention sournoise du Grand Absurde... mais après une telle rencontre, quel voyageur s'assiéra sans un frisson sur le tabouret d'une auberge, si chaleureuse et accueillante qu'elle soit ?


Renseignements :

Fréquence :

très rare

Régime alimentaire :

Voyageurs, aventuriers... tous les clients d'une auberge normale.

Taille :

celle d'une auberge !

Indice de légende :

2 (au quotidien), 8 (dans les contes)

Armes naturelles :

tables, chaises et tabourets féroces, mur pourvu d'une gueule dentue...

Déplacement :

aucun


La Tavernoise, caractéristiques pour Fantasia/BaSIC :

 

Les murs, portes, fenêtres et volets d'une tavernoise ont une résistance extrêmement élevée, plus grande que dans une auberge normale. Il faudra infliger pas moins de 80 points de dégâts à une porte, fenêtre ou à un pan de mur, avant d'y pratiquer une ouverture assez grande pour qu'on puisse y passer. Décrivez alors aux Aventuriers le "bois", le "verre" ou la "pierre", qui ne se fracasse ou ne se brise pas comme du bois, du verre ou de la pierre normale, mais se déchire en deux et pend en lambeaux comme une sorte de chair immonde...

Le mobilier animé

Tables : FOR 23, CON 15, TAI 13-14, INT 8, POU 4, DEX 11, PV 15 ; Bonus aux dom. : +1d6 ; Mouvement : 8/11/15 (pas, trot, galop) ; Armure naturelle : 6 ; Armure magique : 2. Compétences : Athlétisme 60%, Cascade 25%, Esquive 15%, Vigilance 45%. Armes naturelles : Epines de bois (contact), 1d6+1 ; Empaler* 35%, 1d3+3+Bd ; Piétinement** 55%, 2d4+Bd.

Tabourets : FOR 14, CON 13, TAI 5-6, INT 5, POU 2, DEX 15, PV 10 ; Bonus aux dom. : aucun ; Mouvement : 4/8/12 (pas, trot, galop) ; Armure naturelle : 3 ; Armure magique : 1. Compétences : Athlétisme 55%, Cascade 35%, Esquive 50%, Vigilance 40%. Armes naturelles : Epines de bois (contact), 1d3+2 ; Empaler* 30%, 1d6+1 ; Piétinement** 30%, 1d4+1.

Chaises : idem que les tabourets, sauf TAI 9-11, PV 12 ; Bonus dom. : +1d4 ; Cascade 30%, Esquive 40%. Armes naturelles : Epines de bois (contact) 1d3+3 ; Empaler* 30%, 1d4+2+Bd ; Piétinement ** 40%, 1d6+1+Bd.

Toute personne entrant en contact avec le bois d'un meuble animé se voit immédiatement infliger les dégâts de ses Epines de bois, qui recouvrent toute sa surface.

(*) Empaler : un meuble animé peut essayer de foncer sur une victime pour lui infliger des blessures avec ses épines et ses échardes, ou encore pour la faire tomber au sol. Pour cela, le meuble en question doit charger au galop la victime désirée ; si le meuble réussit son jet d'Empaler, et si la victime ne peut esquiver la charge, elle se voit infliger les dégâts. Sur une réussite exceptionnelle au jet d'Empaler, doublez le Bonus aux dommages du meuble avant de l'ajouter aux dégâts infligés. De plus, opposez la FOR du meuble à celle de la victime chargée : si le meuble emporte le Jet d'opposition, la victime est renversée à terre.

(**) Piétinement : les meubles peuvent s'attaquer à une victime tombée au sol et la piétiner avec leurs pieds. Cette attaque ne peut donc être utilisée que contre une victime à terre.

En outre, tous les Meubles animés sont immunisés aux attaques de feu, qu'elles soient physiques ou magiques.

La cave

Tout comme le mobilier animé, les tonneaux vivants de la cave sont immunisés aux attaques de feu. En voyant arriver quelqu'un dans leur cave, ils commenceront à cracher du vin par la bouche et le robinet à raison de 4 litres par round. Leur infliger des dégâts ne sert qu'à leur faire pleurer u vin, ce qui fait passer le débit de chaque tonneau à 8 litres/round. Sachant que la cave contient une quinzaine de tonneaux, elle sera inondée approximativement de 60 litres par round (jusqu'à 125 l/round si tous les tonneaux subissent des blessures). Cette histoire de litres sert uniquement à donner une indication de la rapidité avec laquelle la cave se remplit, elle n'a pas à être bien précise. Considérez que les Aventuriers ont de l'eau jusqu'aux genoux à partir de 300 litres (donc normalement 5 rounds, mais moins si les tonneaux commencent à pleurer) ; ils ont de l'eau jusqu'à la taille à partir de 1200 litres, et jusqu'au menton à 3500 litres. De manière générale, c'est à vous de vous débrouiller au mieux avec cette règle :o)

Le vin est légèrement soporifique, TOX 10. Considérez, sans trop de précision, qu'à partir du 4ème round, les Aventuriers doivent faire un jet de CON*5 à chaque round ; à partir du 8ème round, le jet se fait sous CON*4 ; sous CON*3 à partir du 12ème round, sous CON*2 partir du 16ème ; à partir du 20ème round, tous les jets se font sous CON*1. Si un Aventurier rate un jet, il subit aussitôt un malus de 5% à tous ses jets de compétences, et ses jets suivants se font à un multiple en dessous (s'il rate un jet sous CON*5, il fait ses jets suivants sous CON*4 seulement) ; au premier jet réussi, le multiple remonte (sauf bien entendu si le multiplicateur général a baissé entretemps !). Heu, tout cela est-il bien compréhensible ? De toutes façons, si les Aventuriers se laissent enfermer dans la cave et ne réussissent pas à se débrouiller pour en sortir, ils sont fichus à plus ou moins long terme.

La cheminée ! La cheminée !

Pour sortir de l'auberge, le seul moyen est de grimper dans le conduit de la cheminée. Une fois parvenus sur le toit, les Aventuriers devraient être sortis de l'auberge... Une telle ascension nécessite de réussir successivement 3 jets de Cascade avec un malus de -10%. Les personnages qui n'ont investi aucun point en Cascade (c'est-à-dire qu'ils n'ont que le score de base de 10%) peuvent utiliser à la place leur compétence Athlétisme, mais avec un malus de -20%. Evidemment, l'usage de sortilèges ou de cordes n'est pas interdit, mais gare aux meubles animés en dessous !


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