Le Soupir

 

Le Soupir est une créature empathique... mais est-ce vraiment une créature ? N'est-ce pas plutôt une humeur, une idée, un simple sentiment qui flotte au hasard dans l'atmosphère et s'accroche, tantôt à l'un, tantôt à l'autre ? Peut-on véritablement prêter une vie, une personnalité, des intérêts propres, à de simples idées noires, à un coup de blues passager ? C'est pourtant ce que font les Hiscontes. Certes, bien des gens y trouveraient à redire aujourd'hui, mais... mais laissons parler les Naturalistes.

Selon les Naturalistes d'Hiscontie, donc, il existe des créatures nommées Soupirs. Mais ces créatures n'ont aucune forme physique. On ne peut ni les voir, ni les entendre, ni les toucher ou les goûter, ni même les sentir. On ne peut que les sentir, les émotionner. Et encore, cela n'est possible que lorsque le Soupir vous touche, qu'il s'accroche à vous et s'immisce entre vos pensées. Dès ce moment, il serait impossible de ne pas le remarquer ; car c'est lui qui cause ce que l'on appelle le vague à l'âme, la mélancolie passagère, la dépression éphémère, les idées noires, bref, les coups de blues, comme je vous le disais au début. Dès qu'un Soupir s'accroche à vous et s'installe en vous, il devient le maître de vos émotions. En présence d'un soupir, on ne peut que se sentir mélancolique, fatigué, un peu dépressif (mais pas trop, heureusement). On n'a plus vraiment envie de vivre, on se traîne, on est las, on ne fait rien et on n'a pas envie d'en faire plus ; on laisse le temps vous passer dessus et ça n'améliore pas votre état !

Bien sûr, ce n'est pas bien grave. Mais si le Soupir s'immerge durablement dans votre tempérament ? Car une fois qu'un Soupir s'est installé, il a tendance à faire son nid. En fait, tout dépend du tempérament qui l'accueille. S'il entre dans des émotions trop gaies, appartenant à quelqu'un de bonne humeur, il ne causera qu'une légère chute de moral, puis, vexé d'être empathiquement repoussé, il s'en ira probablement -vous savez, ces moments brefs où l'on regarde quelque chose sans vraiment le voir, sans penser à rien, une expression rêveuse et quelque peu vidée égarée sur le visage ? On se secoue l'instant d'après, on n'y pense plus, et le Soupir est passé. Mais si le Soupir trouve, dans le tempérament de la personne qu'il rencontre, des émotions qui l'accueillent favorablement et discutent avec lui, son hôte développe, consciemment ou non, les pensées mélancoliques que le Soupir provoque en lui ; ses émotions discutent imperceptiblement avec la créature, amplifiant la lassitude d'être et de vivre qu'il entraîne toujours dans son vol et qu'il communique à son porteur. Dès ce moment, si la personne ne se rend compte de rien, elle peut sombrer dans la dépression la plus complète. A terme, si le Soupir ne part pas de lui-même en quête d'un autre hôte, les conséquences peuvent être graves (changement de caractère total chez le porteur, tentatives de suicide).

Pire, le porteur, sous l'emprise empathique du Soupir, peut tenter de communiquer sa mélancolie, sa tristesse, son abattement, à tout son entourage. Il faut dire que le Soupir s'y emploie, car c'est le seul moyen dont il dispose pour engendrer sa descendance. S'il parvient, par l'intermédiaire de son porteur, à infecter une autre personne, son essence se divisera en deux et la partie de lui-même qu'il fera passer dans la personne ainsi infectée deviendra, en peu de temps, un Soupir adulte.

Que font les Soupirs lorsqu'ils ne sont pas immiscés dans les tempéraments des hommes ? On suppose qu'ils errent dans l'atmosphère, solitaires ou par bandes d'une dizaine d'individus ; parfois, quand l'humeur du monde ne se prête pas à leur petit jeu de possession, ils vont se terrer dans certains endroits qu'ils affectionnent particulièrement. Il semble que les Soupirs soient plus nombreux dans les villes, mais ce n'est pas assuré : cette impression est simplement due au fait que les Naturalistes expérimentés capables de déceler la présence des Soupirs sont plus nombreux dans les villes que dans les campagnes. Il semble aussi que les Soupirs aiment à se terrer dans les greniers, les locaux d'archives, dans certaines boutiques d'antiquaires ; ils s'accrochent parfois aux toits pointus des tourelles des manoirs, ou aux girouettes des grandes maisons à l'abandon. Mais ils nichent aussi dans les recoins des statues, des caryatides, s'enroulent autour des balustrades en fer forgé des luxueux, mais anciens, immeubles stalisois. Les jours où il fait gris, ils sortent par groupes et flottent dans les rues, où ils rendent maussade la foule des passants.

Mais ils ont aussi leurs antres à la campagne. Les paysans disent que les marais sont les lieux de prédilection de rassemblement des Soupirs : la Terre elle-même est pénétrée de la lassitude qui les accompagne. Cependant, d'autres paysages moins attendus sont aussi propices à leurs vagabondages : un soir au coin du feu dans une chaumière somnolente, le soleil impitoyable d'une steppe aride, un coucher de soleil larmoyant de pourpre sur une prairie d'herbes longues, n'incitent parfois le voyageur au vague à l'âme que parce qu'un Soupir est venu les habiter.

Je l'ai dit, les Soupirs se déplacent le plus souvent seuls ou par petits groupes. Mais certains les Naturalistes ont été amenés à supposer qu'ils se rassemblent à des dates régulières et entreprennent de grandes migrations. Ainsi, en 1722 ap. J, le petit village d'Oesherre (au nord d'Olmart, sur la rive Ouest de l'Hys-Martad) fut le théâtre de singuliers événements : tous les habitants, sans exception aucune, sombrèrent en quelques jours dans une véritable dépression collective. Pendant trois semaines, ils ne purent faire autre chose qu'errer dans les rues ou rester chez eux, apathiques, hagards, portant tous au fond des yeux l'empreinte du désespoir le plus profond. Fort heureusement, l'UBRIS (ancêtre tri-impérial de la Maison de Veille) sut prendre l'affaire en main : des Chaomanciens et de nombreux savants furent dépêchés à Oesherre, et ne tardèrent pas à découvrir que cette psychose collective ne devait rien à l'Insense : une colonie entière de Soupirs invisibles s'était établie dans le village, et tous les habitants en étaient affectés. Certains portaient même plusieurs Soupirs dans leur tempérament, et l'on établit même un record : quarante-trois Soupirs immiscés dans les émotions d'une seule femme (en l'occurence, une naine). On finit par chasser les Soupirs à l'aide de puissants enchantements.

Comment "exorciser" une personne affectée par un Soupir ? Il y a plusieurs moyens. On peut, tout d'abord, l'inciter à la gaieté, en multipliant autour d'elle les divertissements et les occasions de se réjouir - musique enjouée, bonne chère, courtisanes, éloges de la bonne humeur en prose ou en vers... ce moyen suffit à chasser les Soupirs installés depuis seulement peu de temps ; mais il échoue souvent lorsque le Soupir est présent de longue date dans l'inconscient du porteur. Et en cas d'échec, cela peut même aggraver le cas de celui-ci, tous ces plaisirs n'aboutissant dans son esprit qu'à la vanité de toute vie humaine... Il existe un autre moyen, plus dangereux mais très efficace lorsqu'il fonctionne : il consiste à montrer au porteur de Soupir qu'il a tort d'être si triste, en le forçant à reconnaître combien il se comporte de façon risible. Il faut alors parodier le comportement du porteur, feindre d'être plus triste encore que lui, le caricaturer, faire la satire de son désespoir. Si le porteur du Soupir prête encore quelque peu attention au regard des autres et à l'opinion qu'ils ont de lui, il aura vite fait de reconnaître qu'il s'est laissé aller à un excès de morosité - il tentera alors lui-même d'améliorer son humeur, et le Soupir en sera chassé. Malheureusement, si le porteur s'est déjà détaché du monde au point de ne plus se soucier de l'opinion des autres, il verra le comportement de son entourage comme une preuve supplémentaire qu'il a raison de désespérer ! Un troisième moyen, dont le succès est plus aléatoire mais non moins possible, consiste à montrer à la personne un reflet de son propre état psychique, par exemple en écrivant un texte ou en composant un poème capable de reproduire exactement les émotions qu'elle ressent, ou en lui faisant rencontrer une personne à l'humeur semblable à la sienne (cette personne fût-elle elle-même affectée par un Soupir). Il arrive dans ces situations que la personne, en prenant totalement conscience de son propre désespoir par la représentation qu'elle en voit, en soit du même coup complètement et définitivement libérée (on explique mal cette réaction, qui n'en existe pas moins).

Mais pourquoi ne pas lui dire tout de go qu'elle est possédée par un Soupir ? pourra-t-on me demander. Simplement parce que dans la plupart des cas, la victime refusera de croire une chose pareille - incrédulité bien évidemment stimulée par l'influence du Soupir sur son humeur et ses pensées. Cette solution peut malgré tout fonctionner, dans le cas où le porteur du Soupir est véritablement capable de se défier de lui-même : par exemple un érudit philosophe, un mage de très haut niveau, un Veilleur ou un Nakin, ou une personne ayant beaucoup expérimenté les manifestations du Nonsense.

Hélas, la guérison n'est jamais assurée, d'autant que les personnes a priori les mieux prévenues, c'est-à-dire les plus sages et les plus avisées, sont les meilleures cibles des Soupirs, et celles qui ont le plus de difficultés à s'en débarrasser. Peut-être ont-elles des raisons plus nombreuses d'être portées à la mélancolie ?


Le Soupir, pour Fantasia/BaSIC

 

Résultat sur 1d6
Modificateur à l'INTelligence
1
+3
2
+2
3
+1
4
-1
5
-2
6
-3

Les Soupirs ne possèdent aucune caractéristique physique, exceptée le POUvoir, qui représente leur capacité à influencer les humeurs ; le POUvoir d'un Soupir varie entre 5 et 12, selon son âge et sa puissance. Lorsqu'un Soupir tente de pénétrer le tempérament d'un personnage, celui-ci doit réussir un jet d'opposition contre son POUvoir sur la Table d'Opposition. Pour le jet, le personnage utilise sa caractéristique d'INTelligence divisée par 2 et modifiée par un jet sur la table ci-contre (cela représente l'état psychique du personnage au moment où le Soupir tente de s'immiscer dans ses émotions).(On relance le d6 à chaque nouveau jet d'Opposition.)

Si le personnage échoue lors du Jet d'Opposition, le Soupir commence à influencer son humeur, il devient triste, mélancolique. Toutes les 1d6 heures, le personnage peut tenter de se libérer de cette influence. S'il échoue 2 fois de suite, on n'effectue plus de nouveau jet que tous les 1d10 jours ; au bout de 4 échecs consécutifs (au total), le jet ne peut plus être retenté que toutes les 1d3 semaines, et tous les 1d3 mois au bout de 6 échecs consécutifs.

A chaque échec du personnage lors d'un jet d'opposition, l'inluence du Soupir grandit. Ces variations sont à simuler avant tout par le comportement du personnage et la façon dont le joueur ou le MJ joue son rôle. Le personnage perd le sens de l'humour, délaisse ses centres d'intérêt habituels, remet en cause tous les idéaux, toutes les valeurs auxquels il accordait de l'importance ; s'il est amoureux, il croit que l'autre ne l'aime plus ou va l'abandonner (ce qui peut le rendre jaloux), etc.

S'il le désire, le Chroniqueur peut simuler ce manque de volonté et d'intérêt par un malus plus ou moins grand aux jets de compétence du personnage affecté, allant de -2% ou -3% si le Soupir n'a que peu d'influence, à -10% voire -15% et pire, si le personnage est sous l'emprise totale du Soupir.

Toute personne fréquentant un porteur de Soupir s'expose à être contaminé par celui-ci. Si le Soupir essaye de contaminer une personne, il doit diviser son POUvoir entre la personne qu'il influence déjà et celle qu'il veut influencer. Le jet d'Opposition se fait donc entre la parcelle de POUvoir que le Soupir emploie à contaminer la personne et l'INT /2 modifiée de celle-ci (sauf pour le POU du Soupir, le jet est le même que ci-dessus). Si la personne est contaminée, le Soupir est parvenu à se reproduire : son POUvoir redevient entier sur la première personne ; sur la seconde, il gagne 1 point en POUvoir par jet d'Opposition où la personne échoue à se libérer de lui. (Heu, c'est clair ou c'est affreusement compliqué ? en cas de problème, mailez-moi).

Pour libérer un personnage de l'emprise d'un Soupir... là encore, tout dépend beaucoup du roleplay. Si vous voulez tout de même utliser des règles chiffrées, voyez ci-après : le personnage ayant tenté de guérir le porteur du Soupir qui possède la meilleure INTelligence tente un jet d'Opposition contre le POUvoir du Soupir (il se met à la place du porteur). S'il réussit, le prochain jet du porteur bénéficiera d'un bonus de +10% ; et +15% si c'est une Réussite exceptionnelle. S'il échoue, le prochain jet du porteur aura un malus de -10%, et -15% si c'est un échec critique. Bon, c'est une règle un peu simplette, mais tout dépend tellement du roleplay... mieux vaut se mettre d'accord avec le Chroniqueur, ou le laisser faire, en espérant que sa décision arbitraire se fera pour le bien de l'histoire du scénario... :o)


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