Le Fredonnier
(plus rarement appelé "oiseau-piauleur")

 

Ce petit oiseau se rencontre dans toutes les régions d'Hiscontie - ainsi, sans doute, que dans d'autres contrées relativement stables. De taille très petite (il n'est guère plus grand qu'un moineau), le fredonnier possède une petite merveille de plumage bleu, dont les nuances rappellent celles du lapis-lazuli. Le bord de ses ailes est garni de minuscules plumes couleur d'argent, et son jabot est couvert d'un duvet semblable à l'or le plus pur. Quant à son bec, il est rouge orangé, et paraît avoir été sculpté avec une minutie toute particulière dans une gemme de rubis, tandis que les griffes de ses pattes, à peine visibles, sont de la même pureté que le diamant. Le fredonnier possède, sur le haut de sa tête, une crête très fine, d'un vert d'émeraude à la fois éclatant et profond. En plus de ces multiples dons naturels, le fredonnier a l'habitude d'émettre, presque à chaque instant, un chant clair et très doux, comme s'il psalmodiait un poème en des accents berceurs. Ce don merveilleux a donné son nom à l'oiseau.

La beauté et la grâce du fredonnier l'ont vite fait apprécier des hiscontes, qui ont composé à son sujet les odes et les hymnes les plus variés. On raconte ainsi que le fredonnier vivait déjà, il y a des millénaires de cela, dans les jardins et les campagnes enchantées de Phantasmagoria, et qu'au moment de châtier les habitants de ce monde, les dieux prirent pitié de l'oiseau et lui accordèrent d'échapper au cataclysme. C'est ainsi que le fredonnier apparut sur Fantasia, souvenir infime, mais chatoyant, du paradis oublié.

Rencontrer un fredonnier est extrêmement rare dans les campagnes hiscontes, c'est pourquoi les oiseleurs les vendent pour plusieurs centaines de pièces d'or sur les marchés de Stalis et de Karacy. Capturer un fredonnier requiert de l'oiseleur une maestria plus rare encore que l'oiseau lui-même, ainsi qu'une part non négligeable de chance. En effet, un fredonnier ne peut pas être emprisonné contre son gré - il faut que, d'une certaine manière, il ait voulu être capturé. Si l'oiseleur ne parvient pas à apprivoiser l'oiseau, il lui sera impossible de le retenir prisonnier ne fût-ce qu'une seconde. On a ainsi vu des oiseleurs réputés s'acharner, des années durant, à capturer un fredonnier, et être fui par tous ceux qu'ils venaient à rencontrer - tandis que d'autres, de talent médiocre par ailleurs, en ramenaient des huitaines à chacune de leurs chasses, ayant avec eux une empathie particulière.

Au demeurant, les fredonniers supportent mal la captivité. Ce ne sont pas les oiseleurs qui choisissent les clients à qui ils vont vendre leurs belles prises, c'est le fredonnier qui choisit celui de qui il veut orner la cage, en entonnant son plus beau chant au seul passage de son élu. Il restera alors fidèle à son maître, et cherchera toujours à le rejoindre s'il se trouve séparé de lui. S'il échoue, il se laissera mourir de désespoir.

On ignore si les fredonniers se reproduisent de la même façon que les autres oiseaux. Ce que l'on sait, en revanche, c'est que les mâles, une fois qu'ils sont attachés à une femelle, ne les quittent plus jamais - et réciproquement. A les voir parader, se faire des présents mutuels, à voir l'empressement et le soin apporté par les mâles à la construction du nid, c'est à se demander si les oiseaux n'éprouvent pas comme nous le sentiment amoureux. On a vu des mâles rester muets à la mort de leur femelle, et ne plus émettre un seul son jusqu'à leur mort.

Mais vous n'avez pas encore entendu le plus merveilleux. Il semble aux naturalistes d'aujourd'hui que les fredonniers apprivoisés aient la capacité unique de sentir le Nonsense. Dès que l'Absurde est sur le point de se manifester, le fredonnier interrompt son chant habituel et fait entendre des cris d'alarme - il sautille sur ses pattes, agite avec force ses petites ailes, toutes ses plumes jetant ça et là des éclats magnifiques. Cette danse est de sombre augure, car elle signifie qu'un effet phantasmagorique spontané (EPS) va survenir dans la minute qui suit et tout près de l'endroit où se trouve l'oiseau (dans un rayon d'approximativement trois mètres). Dans ces moments, l'oiseau cherche désespérément à s'enfuir, ce qui paraît curieux, car, d'après ce que peuvent constater les naturalistes, lui-même n'est jamais affecté par le Nonsense (propriété déjà surnaturelle !). On a avancé l'explication que les manifestations de l'Absurde rappelaient à l'oiseau les derniers instants de Phantasmagoria, sa terre d'origine, et qu'il en ressentait une vive douleur. Est-ce vrai ? Nul ne le sait ni ne le saura jamais...

Le pouvoir des fredonniers à prévoir l'apparition de l'Absurde les a aussi fait surnommer les oiseaux-piauleurs, ou les chanteurs d'augures - ceux qui perçoivent la tristesse future au travers de la joie présente... Les très secrets Agents de Veille utilisent parfois ces oiseaux pour les aider dans leurs missions les plus dangereuses.


Renseignements :

Fréquence : rare.

Taille : toute petite (celle d'un moineau).

Armes naturelles : griffes 20%, dégâts 1d2.

Nourriture : le fredonnier ne se nourrit que d'un peu d'eau et de la joie de ceux qui l'entourent - son maître ou la femelle à qui il s'est lié. Les maîtres les plus riches donnent parfois à picorer aux fredonniers de la fleur de cristal, un cristal pur broyé en une poudre plus fine que le sable, et qui améliore, dit-on, le chant de l'oiseau ; mais est-ce encore possible ?

Indice de légende : 9. Tout le monde en Hiscontie a entendu parler des fredonniers et des poèmes qui en font l'éloge. Il est rare d'en voir apprivoisés, et c'est une chance unique que d'en apercevoir un en liberté parmi les arbres.

Déplacement : 4 (en sautillant adorablement), 14 (en voletant). Il arrive souvent qu'un fredonnier disparaisse d'un endroit et qu'on le retrouve dans un autre, sans savoir ni comment il s'y est pris pour arriver là, ni pourquoi il a disparu ainsi. On retient les fredonniers dans des cages, comme les autres oiseaux, mais d'aucun disent qu'ils n'y restent que volontiers, par attachement à leur maître.

Il arrive parfois, certaines nuits, quand la lune hulule, qu'on s'aperçoive que le fredonnier apprivoisé n'est plus dans sa cage, qu'il a disparu on ne sait où - il revient au matin, semblable à lui-même, joyeux - avec dans son chant quelque chose de plus berceur que la veille, un je ne sais quoi de somnifère et de mélancolique. Des conteurs ont inventé des explications à ces évasions nocturnes. Ils racontent que, une fois dans sa vie, chaque fredonnier acquiert la propriété de s'échapper de sa cage et de prendre l'apparence d'un humain, pour goûter aux merveilles du monde une nuit durant. Ils racontent que les fredonniers ne sont pas de véritables oiseaux, mais d'anciens habitants de Phantasmagoria, de riches et fastueux personnages que leur superbe perdit - les dieux, pour les châtier, les changèrent en oiseaux magnifiques, mais condamnés à conserver en eux la mémoire d'un monde disparu, oublié, et à chanter une joie fausse sous laquelle ils sont contraints de voiler leur amertume. Ce ne sont là que des légendes - mais qui sait, après tout ?


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