Les Nuagins et l'En-Bas

 

On rencontre peu de Nuagins dans les pays de l'En-Bas : pourquoi donc ? en effet, malgré l'orgueil, bien connu des Hiscontes, des habitants de l'En-Haut, rien a priori ne les empêche de se rendre en l'En-Bas, sous les nuages, voire de coloniser la terre ferme si l'envie leur en prenait ! cependant, de nombreuses raisons s'opposent à cela ; nous allons les passer en revue, en espérant que ces conseils vous seront utiles dans votre interprétation des Aventuriers Nuagins.

Les premières raisons qui empêchent les Nuagins de vivre convenablement dans l'En-Bas sont tout simplement des raisons physiques ; les mêmes, d'ailleurs, qui rendent l'exploration de la Stratosphère particulièrement ardue aux aéronautes. Dans la Stratosphère, en effet, règne un froid quasi polaire, de moins cinquante degrés en moyenne, avec des pointes à moins soixante, voire moins soixante-dix lorsque soufflent les vents les plus froids. Les Humains, les Nains, les S'Raal, et les Aéro-Nains eux-mêmes, ont beaucoup de mal à supporter de pareilles températures. Les Nuagins, eux, s'en sont parfaitement accommodés et n'en souffrent pas le moins du monde. (D'ailleurs, beaucoup de scientifiques de l'En-Bas se demandent par quel miracle l'eau de la Stratosphère continue de pleuvoir, alors qu'il devrait geler à pierre fendre à de pareilles hauteurs. Mais avec le Nonsense, c'est une autre histoire : personne ne s'étonne plus de rien...) Dans de pareilles conditions, on imagine facilement que les tourments d'un Nuagin descendant vers le sol soient les mêmes que ceux d'un Humain s'élevant vers l'En-Haut : pour les Nuagins, il règne à la surface du sol une canicule incroyablement étouffante ! un Nuagin descendu dans l'En-Bas devra passer au moins deux à trois semaines au repos, afin que son corps s'adapte à l'atmosphère ambiante.

Ajoutons à cela que l'atmosphère de la Stratosphère est nettement moins dense que celle de l'En-Bas : c'est d'ailleurs ce qui permet aux guerriers nuagins d'accomplir des sauts et des acrobaties aériennes qui, dans l'En-Bas, seraient des prouesses irréalisables sans l'aide de la magie. Un Nuagin descendu sur la terre ferme sera gêné dans tous ses déplacements par la densité de l'air, qui lui interdit de se mouvoir aussi rapidement qu'il le ferait dans sa Stratosphère natale. Pour simuler ce handicap, diminuez de 1 le Mouvement de tout personnage Nuagin lorsqu'il se déplace dans l'En-Bas et imposez un malus de -20% à toutes les acrobaties ou cascades qu'il tente. Bien sûr, il est possible à un Nuagin de s'adapter peu à peu à l'atmosphère de l'En-Bas, mais cela risque de prendre plusieurs années... cependant, lorsqu'il rentrera chez lui, le Nuagin aura acquis une vigueur et une force physique supérieures à celle de ses confrères restés dans l'En-Haut : toutes ses actions sont alors facilitées par un bonus de 5 à 10%.

Mais ce ne sont pas là tous les inconvénients liés aux voyages entre En-Haut et En-Bas. Nés et vivant au-dessus des nuages, les Nuagins ont de tous temps été habitués à une luminosité extrême, puisqu'étant exposés directement aux rayons de l'astre solaire, ainsi qu'à leur réverbération sur la blancheur des nuées, ils s'y sont adaptés et accoutumés. Un Nuagin descendu sous les nuages sera beaucoup plus loin du soleil que d'ordinaire : il manquera cruellement de lumière, et se croira descendu dans une cave à peine éclairée par un soupirail minuscule, quand lui viendra d'une vaste terrasse exposée au plein jour.

Tous ces phénomènes entraînent bien souvent des changements physiques et psychologiques importants chez les Nuagins qui restent longtemps dans l'En-Bas. Ces phénomènes sont mal connus, car les Nuagins ayant émigré vers les pays de l'En-Bas tels que l'Hiscontie sont très peu nombreux. On constate cependant des troubles tels que des affections du souffle, dûs à l'épaisseur de l'atmosphère troposphérique ; en même temps, la carrure du Nuagin se renforce petit à petit au fur et à mesure que son organisme s'adapte à cette atmosphère. Mais les difficultés les plus persistantes et les plus difficiles à surmonter ne sont pas d'ordre physiologiques, mais psychologiques. Il semble que chez tous les Nuagins ayant gagné l'En-Bas, sans exception, se déclare au bout de quelques mois un mal que les érudits nuagins nomment "Galastreem", c'est-à-dire "regret du souffle" ou, comme l'ont traduit les Hiscontes, "nostalgie du vent". Il s'agit d'une sorte de dépression progressive, que certains savants attribuent au manque de lumière, mais dont la manifestation principale se rapproche assez d'un mal du pays beaucoup plus grave que chez les Humains. Les Nuagins, liés depuis plusieurs milliers d'années à la Stratosphère et aux nuages où ils vivent, isolés des autres peuples, se sont attachés de façon extrêmement forte à leur culture du vent et du souffle sous toutes leurs formes. Les Nuagins sont aériens, non terrestres... et les vents leur manquent, puisqu'ils sont beaucoup plus faibles à la surface de la terre que dans l'En-Haut, ce qui renforce encore l'impression d'étouffement qui les fait s'étioler peu à peu, coupés de leurs racines naturelles et culturelles.

Ainsi que le fait très justement remarquer un érudit hisconte du nom d'Algaal, connu pour avoir passé plusieurs années en compagnie des Nuagins et pour s'être lié d'amitié avec l'un d'eux : "Tous les Nuagins, pour avoir vécu pendant deux mille ans en complète autarcie dans la Stratosphère, se sont pénétrés jusque dans leur sang de leur habitat naturel. Leur relation à l'air, aux vents, aux nuées et aux nuages est une admiration profondément ancrée en eux, mêlée d'une vénération quasi instinctive pour la nature qui les entoure. Leur religion, et par conséquent leur culture, leur magie, leur vie entière, jusqu'à leurs morts, qu'ils rendent au ciel couchés dans des jonques volantes, symbolisent ce lien indéfectible qui les unit au Haut-Ciel. S'arracher à l'aérienne élégance qui leur appartient de façon innée, c'est s'arracher à eux-mêmes. Imaginez un instant quelle doit être la déception, quel doit être l'ennui d'un Nuagin descendu de ses nuées éternellement mouvantes, faites uniquement de brume et de glace, pour s'emprisonner dans l'une de nos maisons lourdement bâties en pierre sur un sol dur et immobile ? On peut comparer leur tourment à celui de certains de nos explorateurs, marins courageux qui, ayant tant navigué sur les mers fantasiennes, et s'étant habitués à la berceuse du roulis et du tangage, préfèrent partir, devenus vieux, seuls à bord d'un esquif, pour aller se perdre dans la mer lointaine, plutôt que de remettre le pied sur notre terre sèche et sépulcrale."

Et encore, une fois accepté cet emprisonnement terrestre dans l'En-Bas, le Nuagin courageux devra s'adapter et s'intégrer à la culture des gens de ce bas monde. Par exemple, les Nuagins ne connaissent pas la monnaie et ne travaillent que pour leur propre survie et celle de leur famille. Ils ne connaissent pas de commerce, mais seulement les présents d'amitié. De même, peu leur importe l'exploration de terres inconnues et dangereuses, eux qui ont toujours survolé le monde de bien haut et admiré les continents depuis leurs demeures de brise, sans jamais songer à y descendre. "Observer leur suffit, à quoi bon traîner les pieds chez les autres pour s'y souiller et les souiller, eux, inutilement ?"

En conclusion, il faudra à un Nuagin bien de l'audace et de la force de corps et d'esprit pour s'aventurer dans l'En-Bas et surtout pour y rester. De nos jours, l'orgueil des nobles Nuagins dissuade la plupart des gens du peuple de tenter le voyage vers l'Hiscontie lointaine, d'autant que les Hiscontes semblent autant disposés à accueillir les Aéro-Nains que les Nuagins. Mais cet orgueil, n'est-il pas guidé avant tout par la peur de ne jamais revoir les altitudes ? qui sait... malgré cela, les Nuagins établis en Hiscontie existent ; leur nombre ne dépasse pas les 200 individus dans tout le pays.

On n'a jamais entendu parler d'histoire d'amour entre un Nuagin et un habitant de l'En-Bas ; encore, ajoutés aux difficultés naissant de cette utopie romantique, faudrait-il imaginer la détresse et la sourde nostalgie qui habiteraient l'âme d'un enfant engendré par une telle union, lié à la terre profonde par l'un de ses parents et aux vents lointains des hauteurs stratosphériques par l'autre. Mais ceci est une autre histoire...


Retourner à l'Index des Nuagins

Retourner à l'Atlas