- une Genèse de Fantasia -

extrait du Codex Caelusis, Livre Sacré des Caelusiens

 

  

" Tout part de la Mer, à la Mer tout revient.

Ainsi marche notre destin."

  

" On dit qu'aux origines, le monde dans son ensemble n'était qu'une seule et gigantesque mer sans fond ni surface, un abysse infini et inhabité entièrement fait d'eau. En dehors de cette mer des origines, il n'existait rien ; le Haut et le bas n'existaient pas, le Chaud et le Froid non plus, il n'y avait pas même d'Avant et d'Après. La Mer des origines était le Premier Pilier de l'univers naissant. Il ne commença à se transformer qu'avec l'apparition du Second Pilier, le Temps métamorphoseur de mondes. A partir de l'Instant Premier, qui marque le début de l'histoire de l'univers, tout évolua partout et tout le temps, à un rythme de plus en plus rapide.

 

Peu à peu, au fil des changements imperceptibles qui se produisaient, la mer des origines se scinda en deux. L'Air apparut, d'abord mêlé à l'Eau de l'Océan primordial. Lorsqu'il exista en quantité suffisante, l'Air forma des bulles et donna naissance à un second Océan, la Mer d'Air, qui se différencia de la Mer d'Eau et lui donna par la même occasion une surface, la première de ses limites.

 

Beaucoup de temps s'écoula encore sans qu'aucun changement important ne se produise. Puis ce fut l'apparition de la Vie, le Troisième et dernier Pilier du monde, qui devait provoquer d'autres transformations. Au sein de la Mer des Origines vinrent à la vie les premiers habitants du monde : les Poissons. Au tout début, ils étaient si minuscules qu'on ne les distinguait pas de l'eau qui les entourait ; puis ils se mirent à grandir, devenant de plus en plus nombreux et imposants au fur et à mesure de leurs métamorphoses.

 

Les Poissons eurent beaucoup de descendants, dont les Lézards et les Serpents des Mers ; mais les plus réussis furent les Ondins. Les Ondins avaient une queue de poisson, mais leur torse était pourvu de bras, qui leur permettaient de saisir, et d'un visage, qui leur permettait de sentir leur environnement mieux qu'aucun de leurs ancêtres. Ils étaient en outre pourvus d'un avantage considérable dû à leur évolution : l'intelligence.

 

Les Ondins, le premier peuple intelligent au monde, édifièrent une civilisation pacifique et très développée au sein de la mer des Origines, tout en restant très proches de leurs ancêtres les Poissons. Ils donnèrent les premiers des noms aux différentes parties du monde : ils nommèrent la Mer des origines "océan" et la Mer de l'Air "ciel". Ils appelèrent la surface de l'océan "surface", et décidèrent que tout ce qui serait dans le ciel serait "au-dessus" et que tout ce qui serait dans l'océan serait "en-dessous". Le Haut et le Bas furent ainsi inventés.

 

Les Ondins furent les premiers à percevoir véritablement le Temps, et à en concevoir la marche. Ils appelèrent tout ce qui avait été déjà fait "avant" et tout ce qui serait fait pendant leur vie "après". Ils prirent aussi l'habitude de découper le temps en tranches appelées "jours", entre lesquelles ils plaçaient les moments appelés "nuits" où ils dormaient, et où ils ne pouvaient percevoir le Temps. Les Ondins étaient immortels, car ils savaient plus que tous ceux qui vinrent après eux qu'il y a toujours un "après", et que par conséquent rien ne peut finir sans que le Temps ne disparaisse lui-même, ce qu'ils savaient impossible.

 

Les Ondins décidèrent d'explorer l'océan. Ils en inventèrent les limites inconsciemment, car jusque-là la mer des origines avait toujours été infinie. Ils nommèrent aussi tous les Poissons différents existant dans l'océan, et cette tâche leur prit des milliers d'années, car le nombre de poissons dans l'océan était tout aussi infini que les limites de l'océan lui-même.

 

Pendant que les Ondins découvraient et nommaient, le monde poursuivait ses transformations. Un jour, les Ondins, poursuivant leurs explorations de l'océan, découvrirent qu'en dehors de la Mer de l'Eau et de la Mer de l'Air, un troisième océan s'était formé : la Mer de la Terre. Certains Ondins décidèrent de quitter la Mer des origines pour explorer la Mer de la Terre. Tandis qu'ils exploraient le premier continent, leurs corps se transformèrent : leur queue de poisson devint une queue de serpent, mieux adaptée aux frottements du sol et plus apte à un déplacement rapide. les Ondins de la mer de la Terre devinrent ainsi les premiers Hommes-Serpents. Ils habitèrent le continent unique de la Mer de l'Eau pendant très longtemps pendant que leurs compagnons continuaient à voyager.

 

Certains êtres de la Mer sortirent également des flots et vinrent habiter le continent unique ; ce furent les animaux. Leur évolution rapide donna naissance à des espèces multiples, que les Ondins nommèrent comme ils l'avaient fait avec les Poissons.

 

Au fil de leurs explorations, les autres Ondins se transformèrent à nouveau ; leur queue disparut et ils furent métamorphosés pour devenir les premiers Humains. Les Humains créèrent une autre civilisation et habitèrent eux aussi le continent unique.

 

Pendant ce temps, d'autres changements se produisaient dans le monde ; certains Poissons étaient partis à la conquête de la Mer de l'Air ; ils s'élancèrent dans le ciel, chacun inventant un stratagème différent de ses congénères. Ces Poissons volants constituent aujourd'hui encore la majorité des habitants du Ciel de Fantasia.

 

Le monde s'agrandissait et se complexifiait peu à peu ; de l'union de l'Eau et de l'Air naquirent les Nuages ; de l'union de la Terre et de l'Air furent créeés les Plaines Stratosphériques, qui dérivent dans le ciel. La Vie engendra également les premiers habitants intelligents du ciel, ceux que l'on nomme aujourd'hui les Caelusiens. Ce sont des Êtres de Brume presque impalpables mais bien vivants, faits de la substance même de ce qui les a créés.

 

Avec le temps naquirent des dissenssions entre les différents peuples. Ceux de la Mer, les Premiers-Nés Ondins, s'affrontèrent bientôt avec ceux de la Terre, les Hommes-Serpents et les Humains. Ceux de la Mer se réfugièrent au plus profond des abysses, aux confins de la mer des origines, et on n'entendit plus parler d'eux. Les Humains, qui voulaient dominer seuls le continent unique, combattirent les Hommes-Serpents, reniant jusqu'à leurs propres pères dans l'échelle de l'évolution. Les Hommes-Serpents sages, refusant le combat, s'enfuirent jusqu'aux limites du continent et de la Mer, dans des marais où aucun Humain n'osait s'aventurer. Les Humains ne les poursuivirent pas et, désormais seuls maîtres du continent, continuèrent à édifier leur propre civilisation.

D'autres continents surgirent peu à peu des flots de la Mer ; d'autres humains, voyageant pour explorer ces terres, donnèrent naissance à d'autres peuples : nains, gnomes, fées, elfes, et tous les autres. La généalogie des espèces intelligentes se perd depuis ce temps dans des alliances multiples. Les animaux se répandirent peu à peu sur tous les continents ; d'autres espèces apparurent et disparurent avec le temps, et continuent encore aujourd'hui.

 

Le Monde aurait pu continuer ainsi si le Quatrième Pilier du Monde n'était pas apparu. Dans tous les peuples, il se trouva soudain des gens doués de pouvoirs hors du commun, qui les rendaient capables de créer et de détruire ce qu'ils n'avaient jamais pu faire auparavant. Ce fut la Magie, qui changea à jamais la face du monde. Les Humains et les autres peuples développèrent une foule de Magies différentes ; même les animaux profitèrent de ce Pilier et évoluèrent en conséquence, créant des espèces nouvelles profondément magiques. La Magie devint rapidement le Pilier du monde le plus prolifique en changements, dépassant tous les autres par les bouleversements qu'elle apportait. Grâce à elle, les espèces intelligentes s'élevèrent définitivement loin au-dessus des animaux, et édifièrent des civilisations de plus en plus grandes, se dépassant toutes les unes les autres par leurs prodiges de splendeur et d'érudition. Le monde fut longtemps considéré comme achevé à cette époque, tant il tendait à atteindre la perfection. Cette période de prospérité et de métamorphoses fut appelée l'Âge de la Magie.

 

Hélas, l'Âge de la Magie ne devait pas durer. Les Humains se mirent bientôt en tête de conquérir le monde, et commencèrent à user de la Magie à de mauvaises fins. Leur obstination et la rage qu'ils répandaient autour d'eux conduisirent les autres peuples à faire de même. La guerre fit rage sur tous les continents de la Mer de la Terre, s'étendit bientôt au ciel et à l'océan lui-même.

C'est alors qu'apparut le Cinquième Pilier du monde.

 

Ce Pilier ne fut jamais bien identifié par les différents peuples : tous lui donnèrent un nom différent. Cependant, tous ces noms désignaient bien la même chose : l'Absurde, qui étendit son règne sur le monde durant ce qui fut plus tard appelé l'Âge des Bouleversements. A partir de cette époque, l'harmonie du monde vola en éclats et fut entièrement balayée : des continents entiers sombrèrent dans l'Océan, des êtres jamais vus auparavant apparurent, la Magie ne fut plus aussi fiable et ses effets ne furent plus aussi merveilleux qu'ils l'étaient pendant l'Âge précédent. L'Absurde se mêla à la Magie pour entraîner des métémorphoses contre-nature et semer le chaos sur le monde. Les Humains et les autres peuples s'abritèrent comme ils le purent, horrifés par les cataclysmes interminables qui s'abattaient sur eux.

 

Peu à peu, les effets de l'Absurde se firent moins puissants dans certaines régions que dans d'autres. Les peuples intelligents furent contraints de quitter leurs terres et leurs cités, désormais rendues inhabitables, pour migrer vers ces nouvelles régions, les seules qui semblaient relativement normales.

 

Hélas, depuis l'apparition de l'Absurde, plus rien n'est semblable à l'ordre ancien. Les pays stables, ceux que l'on peut habiter, apparaissent et disparaissent d'un bout à l'autre du monde, contraignant les hommes et les autres peuples à migrer à intervalles irréguliers. Les merveilleuses cités construites par la sueur et le travail sont réduites à néant sans aucune chance de survivre au passage du Temps et de l'Absurde. Les Hommes plient l'échine devant la volonté du monde, mais dans leur coeur et leur esprit bat entre leurs tempes une sourde rancune à l'égard de leurs dieux, qui semblent les avoir abandonnés à leur sort."

 

 

- traduction de la Genèse du Codex Caelusis réalisée par Majhol Grifasym,

Maître Mage du roi Tifelmas XXXIII, en l'année 2015 après J.

 

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