Précisions diverses concernant la Magie

 

Vous trouverez ici des précisions et informations supplémentaires de toutes sortes concernant la magie en Fantasia. Elles sont présentées sous forme de paragraphes successifs consacrés à un sujet précis, sans ordre particulier, en attendant d'être suffisamment nombreuses pour être réorganisées et regroupées dans un livret-univers téléchargeable.

Correctifs pour les règles de magie du Livre de Base

(Attention, l'Auteur Tybalt prend la parole :) Je compte faire prochainement une refonte ou au moins une correction du système de magie de Fantasia, n'étant plus satisfait du système actuel. Un email envoyé par un MJ malheureux, trouvant (avec raison) que ces règles permettent trop facilement de jouer des mages puissants, m'a donné l'occasion de rédiger un premier correctif, que je reproduis ici :

"Pour tout dire, la magie est la grande faiblesse de l'actuel système de règles de Fantasia. J'ai bricolé moi-même un système de magie car je n'étais pas satisfait des règles de magie fournies dans le premier hors-série BaSIC de 1997 avec l'univers de Danae (je ne sais pas si tu le possèdes ou si tu l'as déjà lu, mais ces règles sont... vraiment trop basiques, et assez vagues). Le résultat, c'est que faute d'avoir encore pu vraiment tester ces règles, je ne m'étais pas aperçu qu'elles étaient moyennement réussies et surtout qu'elles laissaient trop de puissance aux personnages, en tout cas trop rapidement. J'ai récemment commencé à ajouter sur le site des choses un peu plus étoffées concernant la magie, et j'ai d'ores et déjà prévu de corriger sérieusement les règles du Livre de Base. Je compte aussi plus les adapter aux background général et préciser les interactions entre magie et Nonsense. En attendant cette refonte approfondie, voici déjà les correctifs à apporter aux règles actuelles :

=> Les précisions sur la Promenade des mages fantasiens, dans la page "Précisions diverses sur la magie" (rubrique Le Monde/La magie), limitent la puissance qu'un mage peut atteindre uniquement par les études : "En Hiscontie, la Promenade pose bien des problèmes aux mages des académies. En effet, il est impossible à un Maître-Mage, même expérimenté, de faire progresser ses élèves au-delà d'un certain niveau (celui de Mage) : il faut obligatoirement que l'élève parte en voyage dans les pays moins stables, au-delà des frontières du pays, qu'il effectue cette Promenade indispensable. Faute de quoi, le Mage, quels que soient son âge, son expérience, son habileté, reste incapable d'établir avec la magie des relations suffisamment approfondies et complexes pour devenir capable de lancer des sorts de niveau Enchanteur et plus. " C'est pourquoi un mage qui fait des études magiques en Hiscontie ou pratique la magie uniquement dans un pays stable ne peut dépasser 42% en Maîtrise magique et passer au niveau Enchanteur. Impossible donc de jouer dès le départ des persos mages de niveau Enchanteur, Archimage ou Transplanaire, et impossible aussi de les faire accéder à ces niveaux sans leur faire jouer leur Promenade. Bref : on n'atteint ces niveaux que par l'expérience de l'aventure, du voyage dans les pays instables et lointains, donc à ses risques et périls, bien entendu ! Cela dit, en attendant, ce n'est pas si terrible pour eux, car un Mage avec le maximum possible en Maîtrise magique, donc 42%, plus le Bonus de spécialisation maximal dans un sort, c'est-à-dire +20, lance ce sort avec un score de 62%, ce qui n'est déjà pas mal en termes de chance de réussite.

=> Un autre point que je compte corriger, ce sont les règles d'expérience en magie : l'augmentation de la compétence de Maîtrise magique est beaucoup trop rapide avec les règles actuelles, décrites dans le paragraphe "Expérience magique", pages 107-108 du Livre de Base. Les règles actuelles sont : "A la fin de chaque séance au cours de laquelle un mage aura lancé au moins un sort (avec succès ou non), il a le droit de lancer 1d6 et peut ajouter le résultat à son score en Maîtrise Magique (sauf s'il choisit à la place de se spécialiser dans un ou plusieurs sorts - voir plus bas). Ce score peut aussi augmenter de 1d8+4 % pour chaque année passée à étudier la magie dans une académie ou auprès d'un Mentor. De même, chaque fois qu'un mage mémorise un nouveau sort, son score en Maîtrise Magique augmente automatiquement de 2 %. Il est impossible de progresser rapidement en Magie Commune ; ces progrès s'accomplissent petit à petit, au fil de la vie du Mage. " - Il faut y apporter les corrrections suivantes : non pas 1d6 mais 1d3 points ajoutables à la fin de chaque scénario (scénario et plus séance de jeu). Non pas 1d8+4% mais 1d3+4% d'augmentation par année d'étude en Académie ou auprès d'un Mentor. Non pas 2 mais 1% d'augmentation à chaque nouveau sort mémorisé, et cette augmentation ne se fait que lorsque le mage réussit pour la première fois à lancer ce nouveau sort. Je sais : ça change, et la progression est beaucoup plus lente, mais je crois vraiment en effet que c'était trop facile de devenir vite un mage puissant avec de pareilles règles d'expérience... Pour ce qui est du minimum en Maîtrise magique d'un perso mage à sa création, les règles du paragraphe "Créer un PJ (Aventurier) magicien" me paraissent en revanche bien équilibrées, et permettent de jouer dès le départ autre chose que des Apprentis, sans autoriser les mages trop puissants."

 

Complément aux règles de magie du Livre de base : Magie et manifestations du Nonsense

 

Même s'il n'existait dans le Livre de base 0.5 aucune règle précise permettant de simuler cela, c'est une vérité notoire sur Fantasia que plus la magie est puissante, plus elle risque de provoquer un Effet Phantasmagorique Spontané (qui alors n'est plus vraiment " spontané " mais plutôt " attiré " par la magie), et que plus le Nonsense est présent là où on se trouve, moins on a intérêt à utiliser la magie faute d'être confronté à des effets incontrôlables. Il est temps d'ajouter quelques règles aussi simples que possible pour rendre ce risque plus sensible…

Comment savoir si le Nonsense se manifeste quand un sortilège est lancé ?

Pour déterminer si le Nonsense se manifeste au moment du lancement d'un sortilège, il faut considérer où se trouve le mage sur Fantasia. Plus la région où le sort est lancé est stable, c'est-à-dire plus son indice d'instabilité est faible, moins il y a de risques que le Nonsense soit " attiré " par la magie et se manifeste.

Si l'indice d'instabilité de l'endroit est inférieur à 5, le Nonsense risque de se manifester seulement si le mage échoue à lancer son sort.

- Si l'indice d'instabilité de l'endroit où le sort est lancé est égal à 1 ou 2 : le Nonsense ne se manifeste que si le mage rate complètement son soritlège, c'est-à-dire en cas de maladresse au jet de lancement du sort (résultat du dé compris entre 96 et 00).

- Si l'indice d'instabilité de l'endroit est égal à 3 ou 4 : le Nonsense se manifeste systématiquement en cas d'échec lors du jet de lancement du sortilège, même si ce n'est pas une maladresse.

Si l'indice d'instabilité de l'endroit est égal à 5 ou plus : le Nonsense se manifeste systématiquement en cas d'échec au lancement du sort, et peut se manifester même si le sort est lancé avec succès.

- Si l'indice d'instabilité de l'endroit est égal à 5, 6 ou 7 : il y a 50% de risques pour que le Nonsense se manifeste. Le Chroniqueur peut déterminer si cela se produit effectivement en lançant 1d6 (il y a EPS sur un résultat compris entre 4 et 6), ou en faisant un jet sur 1d100 (il y a EPS si le résultat est compris entre 51 et 00), ou en tirant à pile ou face (face, il y a EPS).

- Si l'indice d'instabilité de l'endroit est égal à 8 ou plus, c'est-à-dire partout où le Nonsense est permanent : le Nonsense se manifeste toujours lorsqu'un sortilège est lancé.

Dans les cas où le Nonsense se manifeste alors que le sortilège a réussi (ce qui ne peut se produire de toute façon que dans les endroits d'indice d'instabilité égal à 5 ou plus), l'EPS qui se produit peut déformer l'effet du sortilège quand même… mais pas nécessairement. Quel que soit l'indice d'instabilité de l'endroit, il y a 50% de risques pour que la manifestation du Nonsense altère la magie du sortilège en train d'être lancé. Le Chroniqueur le déterminera en lançant 1d6, ou 1d100, ou en tirant à pile ou face, de la même façon que ci-dessus.

Si le Nonsense altère le sortilège pourtant réussi, c'est au Chroniqueur de déterminer de quelle façon Nonsense et magie s'entremêleront à ce moment-là : ce qui est sûr, c'est que l'EPS qui survient entre en rapport direct avec le contenu du sortilège qui vient d'être lancé (attention : le Nonsense n'affecte pas le mage, mais son sort… bon, oui, si le mage lance un sort sur lui-même, c'est tout comme).

Indice d'instabilité des pays stables

Précision utile, voici un rappel des indices d'instabilité des pays stables déjà décrits.

La Stratosphère de Fantasia - qui inclut aussi bien les nuages-colonies des Nuagins que la plupart des cités volantes des Aéro-Nains : 2, c'est-à-dire manifestation du Nonsense occasionnée seulement par une maladresse au jet de lancement d'un sort.

L'Hiscontie : 2 ou 3 c'est-à-dire Nonsense occasionné soit par une maladresse, soit par tout échec au lancement d'un sort, selon les endroits, les moments et l'appréciation infaillible du Chroniqueur en fonction des intérêts impénétrables du scénario !

Quand le Nonsense se manifeste, avec quelle intensité le fait-il ?

Plus le sortilège que lance un mage est d'un Niveau élevé et plus il mobilise de Points d'Energie, plus il risque de provoquer un Effet Phantasmagorique Spontané d'intensité importante au moment de son lancement, surtout s'il échoue à être lancé correctement.

On peut dresser un tableau de correspondance grossière entre le Niveau ou le nombre de Points d'énergie mobilisé par un sort et l'intensité sur l'échelle de Tybalt et l'EPS qu'il peut être amené à provoquer.

Tableau de correspondance  de risque d'EPS au lancement d'un sort, par Tybalt

Le Chroniqueur déterminera ainsi l'importance de l'EPS qui survient en considérant à la fois le Niveau du sort et le nombre de PE dépensés. Ainsi, un sort de haut niveau a toujours plus de risques de provoquer une grave manifestation du Nonsense, même s'il mobilise peu d'énergie magique, et un sort très simple, même un sort d'Apprenti ou un Sorcelet, peut provoquer un effet phantasmagorique important s'il a mobilisé beaucoup d'énergie magique.

Dans ce genre de cas, c'est-à-dire quand l'intensité de l'EPS potentiel sur l'échelle de Tybalt est différente selon qu'on considère le Niveau du sort ou les PE dépensés, le Chroniqueur fera une moyenne entre les deux intensités indiquées, en arrondissant le résultat au supérieur.

Par exemple, supposons qu'un Archimage lance un sort d'Avalanche. C'est un sortilège puissant, de niveau Archimage, donc l'intensité d'un éventuel EPS peut aller jusqu'à 9, c'est-à-dire un effet vraiment énorme, voire cataclysmique. Mais le nombre de PE dépensés n'est que de 5, ce qui ne peut provoquer que des EPS d'une intensité allant jusqu'à 4, ce qui est déjà plus modéré. La moyenne entre 4 et 9 est de 6,5 ; arrondi au supérieur, cela donne 7, ce qui correspond à des " événements graves aux conséquences irréversibles entraînant souvent une mort d'homme ", notamment " pluies de météores, changement radical et définitif de climat modifiant totalement l'aspect de la région concernée, folie subite… ". Gageons qu'au vu des risques qu'il court, l'archimage en question préférera avoir recours à un sort de niveau inférieur pour parvenir à ses fins !

Alors ça veut dire que…

Cela veut dire que même dans un pays stable, un sort mal lancé peut occasionner des manifestations du Nonsense très importantes et provoquer des bouleversmenets cataclysmiques lorsqu'il est puissant. On comprend mieux alors pourquoi en Hiscontie, les mages ont très tôt adopté parmi leurs lois fondamentales du droit magique l'impératif du " minimum de magie ", c'est-à-dire la nécessité d'utiliser des sorts aussi simples que possible et aussi peu d'énergie magique que possible pour remplir les buts qu'ils se proposent.

Cela veut dire que le Nonsense peut être attiré par la pratique de la magie, mais bien entendu, il peut aussi parfaitement se manifester totalement en dehors de ces règles. La magie attire le Nonsense mais ce n'est pas systématique. Et la magie n'est pas l'unique cause possible de manifestation du Nonsense. Le Nonsense n'a généralement pas de cause ET il est causé parfois par la pratique de la magie.

Cela veut dire que quand le Nonsense se manifeste à l'occasion du lancement d'un sort :

- ses effets ne sont pas nécessairement en rapport avec le sortilège lancé et n'entrent pas nécessairement en interférence avec lui ;

- quand ils entrent en interférence avec lui, ce n'est pas nécessairement pour le détraquer ou le retourner contre son lanceur. A l'occasion d'un lancement de Boule de Feu à Tête Chercheuse, le Nonsense peut provoquer l'apparition d'une seconde Boule de Feu à Tête Chercheuse se comportant exactement comme la première. Cela ne manquera pas d'arranger le mage qui viendra juste de lancer ce sort contre quelqu'un…

- ses effets n'affectent pas nécessairement le mage, même quand le mage a raté son sort. Tout ce qu'un mage peut en gros prévoir en essayant de lancer un sort, c'est qu'il risque de provoquer une manifestation du Nonsense dans les parages, et que cette manifestation risque d'être plus ou moins intense selon la complexité du hiéroglyphe du sort et l'énergie magique mobilisée.

- ses effets ne sont pas nécessairement maléfiques, ni destructeurs, ni spectaculaires, ni même visibles. Le tableau ci-dessus ne fait que préciser un peu leur intensité sur l'échelle de Tybalt, afin d'aider le Chroniqueur et les joueurs à se repérer un minimum. Il ne faudrait pas le confondre avec un tableau d'échecs magiques aux effets de plus en plus graves.

- ses effets ne sont pas nécessairement importants. Le tableau d'intensité des EPS potentiels ne donne pas l'intensité systématique des effets du Nonsense, mais leur intensité maximale possible. Un effet allant jusqu'à une intensité de 7 comme dans l'exemple ci-dessus ne donnera pas nécessairement lieu à une pluie de météore ou à la folie soudaine chez un PNJ ou le mage qui a lancé le sort. Il peut avoir une intensité très faible, et ne faire que changer une mouche voisine en papillon tropical. Ou encore, certes, provoquer un séisme ou l'apparition d'un pasmagosaure. Hélas pour les mages fantasiens, l'expérience prouve que l'Archimage imprudent qui s'expose à un EPS dont l'intensité maximale de 9 ou 10 suffit à remettre en cause l'existence même du temps et de l'espace à l'endroit où il se trouve a généralement beaucoup de mal à sortir vivant d'un " simple " effondrement de montagne sous ses pieds, événement pourtant anodin à un indice d'instabilité de seulement 7… et pas nécessairement mortel quand on explore la région dans un engin approprié sans chercher à faire de magie puissante en pays très instable !

 

La Promenade

En Hiscontie, la Promenade pose bien des problèmes aux mages des académies. En effet, il est impossible à un Maître-Mage, même expérimenté, de faire progresser ses élèves au-delà d'un certain niveau (celui de Mage) : il faut obligatoirement que l'élève parte en voyage dans les pays moins stables, au-delà des frontières du pays, qu'il effectue cette Promenade indispensable. Faute de quoi, le Mage, quels que soient son âge, son expérience, son habileté, reste incapable d'établir avec la magie des relations suffisamment approfondies et complexes pour devenir capable de lancer des sorts de niveau Enchanteur et plus. La Promenade est l'une des raisons qui empêchent la Magie Commune de devenir véritablement accessible à tous, car elle représente une épreuve très difficile ; beaucoup de Mages préfèrent renoncer à passer à ce niveau supérieur plutôt que de risquer leur vie et leur santé mentale dans un tel périple, tant est grande leur peur d'aller au-delà des frontières ; les quelques audacieux qui osent entreprendre la Promenade disparaissent d'Hiscontie pendant au moins un ou deux ans, et ne reviennent souvent pas avant cinq ou dix ans, quand ils ne disparaissent pas sans espoir de retour. On estime qu'un élève sur cent revient de Promenade. Encore faut-il préciser l'état où se trouvent ceux qui reviennent : selon les informations de l'Institut Pyramidal, près des trois quarts des mages ayant achevé une Promenade présentent tous les signes indiquant qu'ils sont devenus Insensés, même s'ils sont la plupart du temps tout à fait aptes non seulement à vivre en société, mais à pratiquer et enseigner une magie de haut niveau. Même si les Insensés n'ont plus le statut de pestiférés qu'ils possédaient sous les Trois Empires, un tel constat ne peut que refroidir encore les vocations parmi les élèves...

En quoi consiste donc cette fameuse Promenade ? Tout d'abord, elle varie selon les régions de Fantasia, mais il semble qu'elle soit indispensable à la progresion du mage, quelle que soit la partie du monde et quelle que soit la forme ou variante locale de magie qu'il pratique. La Promenade codifiée, ritualisée différemment selon les pays et les régions (quand il y a des pays et des régions) mais étrangement, elles obéissent toute à un principe commun. Ce "noyau" de cette pratique consiste en ceci : il s'agit toujours un voyage qu'entreprend le mage pour une période longue, durant laquelle il ne s'arrête jamais durablement au même endroit ; de plus, au moins une partie de ce voyage doit être effectué dans la solitude la plus complète, c'est-à-dire sans collègue mage, sans Maître ou mentor pour le guider, sans ami ou compagnon d'aucune sorte, sinon ceux qu'il rencontrera temporairement sur sa route. La durée du voyage peut s'achever après un, deux, cinq, dix, quinze, vingt ans, lorsque le Mage réussit à retourner dans son pays d'origine, où il poursuit alors sa vie et sa carrière, doué à présent d'une plus grande puissance et d'un statut infiniment plus élevé, ou bien lorsque, faute de retrouver sa contrée d'origine, il s'établit dans un autre pays où il retrouve une vie sédentaire, et n'a généralement pas grand mal à retrouver une situation confortable, doué qu'il est de pouvoirs puissants, ou bien lorsqu'il finit par mourir, victime du Nonsense ou des multiples dangers qui se rencontrent sur Fantasia, ou bien à la fin de sa vie, s'il a décidé, comme l'ont fait et le font de nombreux mages puissants, de ne jamais mettre fin à sa Promenade et de passer le restant de sa vie en tant que nomade et explorateur. Il arrive fréquemment que le Mage se perde pendant sa Promenade, et ne retrouve jamais le chemin de l'endroit d'où il est parti : il est alors condamné à l'errance, et peut passer sa vie à rechercher vainement sa terre natale, ou se résoudre à s'établir ailleurs, fréquemment agité par une nostalgie lancinante. Encore les Mages d'Hiscontie ne connaissent-ils pas (n'ont-ils pas connu pour le moment...) ce qui arrive aux Mages dont la terre d'origine était peu stable, ou est devenue instable pendant leur absence : ils finissent parfois par découvrir que leur pays d'origine a tout simplement disparu sans laisser de traces ou presque, remplacé par des contrées entièrement différentes ; ou, s'ils ne trouvent jamais de preuve de cette disparition, ils sont à jamais voués à un doute terrible, sans jamais pouvoir être sûrs qu'ils sont ou ne sont pas devenus apatrides...

Toujours est-il que, dans le meilleur des cas, quand le mage retrouve son pays d'attache et peut y reprendre une vie à peu près normale, il entre dans une sphère différente de tout ce qu'il a connu jusqu'à son départ. Le monde des mages puissants, Enchanteurs et Archimages, plus la poignée de Transplanaires qui parcourent Fantasia, est un monde extrêmement petit et fermé, et correspond surtout à une façon de voir le monde totalement différente. Tout mage est radicalement transformé par sa Promenace, et ne peut que l'être ; il change énormément, parfois au point qu'on ne le reconnaît presque plus lorsqu'il revient chez lui. De l'aveu de tous ces mages, la vie après la Promenade est comme une seconde vie. Ils n'évoquent pas vraiment de mort et de renaissance, mais le processus spirituel auquel correspond la Promenade comporte indéniablement un aspect mystique, plus encore que philosophique. Le Mage revenu de Promenade adopte généralement deux attitudes très différentes l'une de l'autre : dans le premier cas, il se réintègre complètement à la société, faisant de la Promenade une parenthèse inoubliable mais bel et bien refermée, dont il ne conserve vraiment que les avantages "matériels", la puissance magique, la capacité à forger des sorts et à élaborer des théories magiques compliquées : 'est ce qu'ont fait la plupart des Maîtres-Mages d'Hiscontie qui ont choisi de rester "dans l'enseignement" et forment l'élite de la hiérarchie magique du pays, regroupée en majorité à l'Institut Pyramidal. Dans le second cas, plus rare, le mage refuse de tirer un trait sur cette expérience incomparable qu'a représenté pour lui l'odyssée de la Promenade. Il se met à rechercher d'autres mages revenus de Promenade pour partager avec eux son expérience et son questionnement ; il écrit des traités, passe des années à étudier la magie dans une tour d'ivoire, élabore des sorts radicalement nouveaux et différents de tout ce qui s'est vu en magie à la surface du monde depuis J ; mais généralement, il ne reste jamais longtemps sans repartir en voyage, pour ce qu'on pourrait appeler une nouvelle Promenade ; de rares mages extrêmement puissants (la plupart des Archimages et des Transplanaires) ont effectué ainsi plusieurs Promenades : ils se comptent sur les doigts des mains, mais ce sont eux qui font véritablement changer la magie et sa théorisation sur Fantasia.

Que fait vraiment le mage pendant sa Promenade ? Il ne cesse de voyager, à pied, comme un pèlerin, ou parfois sur une monture de son choix, mais rarement par des moyens magiques, comme si cette dimension de pèlerinage ou d'errance spirituelle nécessitait un tel handicap. D'ailleurs, un Mage en Promenade ne cherche nullement à aller vite, au contraire : l'essentiel de son odyssée consiste à observer le monde, la faune, la flore, les paysages, les habitants, à découvrir des formes de magie différentes, et bien entendu à être enfin directement confronté aux manifestations du Nonsense, au fil des nombreuses contrées inconnues, plus ou moins instables et toujours en changement qu'il traverse. Accessoirement, le mage fait tout pour survivre. Je dis accessoirement, car les boulversements intérieurs auxquels il se retrouve inéluctablement confronté l'amènenent, à certains moments, à dénier toute importance à sa raison, à sa vie même, à son identité en tant que personne, tant il est fasciné par ce qu'il découvre. Ces moments sont évidemment incroyablement dangereux : le mage manque souvent perdre la raison ou tout simplement la vie ; mais c'est au cours de ces moments que le mage noue avec le monde une relation d'un nouveau genre, qui est indispensable à la mise en oeuvre de sortilèges de grande puissance. Il tente de comprendre le fonctionnement même du monde, il serre de près le Nonsense de la façon la plus périlleuse avec l'espoir d'en découvrir la raison cachée. Il est pourtant rare qu'il revienne de Promenade en ayant la certitude d'avoir vraiment trouvé quelque chose de certain et de définitif ! Mais il semble que ce ne soit pas là le but du voyage, tout comme le mage se soucie peu de savoir exactement où il va, alors même qu'il s'éloigne de plus en plus de son pays d'origine... de toute façon, il a peu de chances de parvenir à s'orienter pendant toute la durée du périple : de même, à l'issu de la Promenade, le mage renonce à tout espoir d'acquérir une certitude définitive, et se contente d'explorer le monde, sensible et conceptuel, autant qu'il peut.

En Hiscontie, les modalités de la Promenade changent selon les académies, et, à l'intérieur des académies, selon les Maîtres-Mages. D'abord, seules six ou sept académies en Hiscontie abritent des Maîtres-Mages disposés à préparer un élève à la Promenade. L'élève devra bien sûr être très doué, sans être nécessairement un mage exceptionnel, car ce n'est pas nécessaire, et avoir la chance de tomber sur un mentor qui ne préfère pas l'orienter vers un parcours plus facile ou plus conventionnel (rappelons qu'être un mage vraiment puissant est quelque chose d'inhabituel en Hiscontie - et aussi dans le reste du monde, d'ailleurs). La période de préparation à la Promenade dure entre six mois et quatre ou cinq ans :c'est au Maître-Mage de juger si l'élève est prêt ou non. Selon les cas et selon les Maîtres-Mages, la Promenade peut alors s'organiser de plusieurs façons. La méthode traditionnelle hisconte, la seule utilisée jusqu'à la conquête tri-impériale, consiste en un voyage de l'élève entièrement en solitaire, du début à la fin. Pendant l'époque de la domination hiscascir, sous l'influence de la doctrine chaomantique, une autre méthode la supplante : elle consiste pour le Maître-Mage à accompagner l'élève pendant toute la première partie de son voyage, en fait seulement pendant quelques mois, au cours desquels il lui prodigue un ultime prolongement de son enseignement, "en pratique" ; à la suite de quoi, au moment de ce que les Chaomanciens appelaient la "Perte", le Maître-Mage quitte son élève et retourne en Hiscontie ; l'élève ainsi lancé effectue seul la seconde et plus longue partie de sa Promenade, au cours de laquelle il peut s'éloigner davantage du pays et franchir l'étape la plus difficile. Une troisième méthode, très différente, est pratiquée depuis en gros les années 1800 : elle consiste, pour un Mage généralement plus aguerri et plus âgé, ayant une partie de sa carrière derrière lui, à accompagner une expédition d'exploration des contrées instables, comme "première partie" de Promenade, et à la quitter en cours de voyage pour effectuer seul le "retour" durant lequel il fait la "deuxième partie" de sa Promenade ; on voit que dans ce cas-là, il n'y a aucune intervention d'un Maître-Mage et aucune préparation particulière, sinon celle que le Mage mène seul : c'est la voie la plus autonome, mais d'après le nombre de Mages qui disparaissent en la tentant c'est aussi la plus risquée, et cela malgré leur expérience plus grande que celle des jeunes mages qui partent après avoir été préparés par leur maître.

Comment jouer la Promenade d'un Aventurier mage ou la simuler en termes de jeu ? Diverses solutions sont possibles. Il est possible d'abord de faire jouer à tout le groupe la "première partie" de la Promenade, si le joueur considère que son personnage mage choisit la troisième méthode, la seule qui permette au mage de rester en compagnie d'un groupe de compagnons explorateurs. C'est alors le prétexte rêvé à un grand voyage dans les contrées instables, avec pour seul but d'explorer... et de survivre. On peut alors simuler une bonne partie de l'expérience acquise par le Mage durant cette partie de la Promenade en passant tout simplement par le système d'expérience classique. C'est la solution la plus facile et la plus avantageuse, car la plus fertile en aventures pour le groupe entier. Décider qu'un Aventurier mage part en Promenade, accompagné par tout le groupe, est donc pour le Chroniqueur et les joueurs un bon moyen de démarrer une campagne dans les contrées instables, en laissant ouvertes un maximum de possibilités de scénarios.

La "seconde partie" de la Promenade, en revanche, ne peut être jouée : non seulement il est impossible de jouer par le menu l'ensemble des années de voyage qu'elle représente, mais il serait tout aussi impossible de les jouer "en solitaire" (le mage restant seul pendant toute cette partie de sa quête). Comment, alors, déterminer... si l'Aventurier réussit sa Promenade, ou s'il y survit simplement ? Soyons francs : on ne peut la réduire à un simple jet d'expérience, même crucial, même très difficile. Etant donné le tournant que représente la Promenade dans la vie du personnage, dans l'ampleur de ses pouvoirs magiques et dans la façon dont il est joué, c'est au Chroniqueur et au joueur de prendre la décision d'un commun accord, sachant que le choix, quel qu'il soit, a des conséquences importantes. Si l'Aventurier mage ne réussit pas sa Promenade, s'il meurt ou devient fou, il est considéré comme mort, et il faut en créer un autre. Ce n'est pas la façon de mourir la plus indigne d'un Aventurier, et cela peut être une bonne façon de "terminer" élégamment l'histoire d'un personnage que l'on a joué longtemps et/ou qu'on n'a plus envie de jouer. Si l'Aventurier survit mais se perd quelque part sur Fantasia, il n'appartient plus au groupe d'Aventuriers dont il faisait partie avant sa Promenade, mais il peut resurgir un jour dans un autre groupe, voire recroiser son groupe d'origine, quelque part dans les contrées instables, à la faveur d'un prochain scénario. Si vous décidez qu'après des années de Promenade, l'Aventurier retrouve finalement le chemin de son pays d'origine, un problème apparaît : celui de la longueur de l'ellipse temporelle que vous allez faire dans la vie du personnage. En effet, si vous dites "bon, il finit par revenir chez lui avec des pouvoirs plus grands", la question est : au bout de combien de temps ? Ce temps, on l'a vu, se compte en années ! Il est donc logiquement impossible qu'un Aventurier quitte son groupe, fasse sa Promenade et le réintègre à son retour, des années plus tard, sans que le groupe en question ait changé d'un iota !

Donc, de deux choses l'une. Soit les autres joueurs préfèrent continuer à jouer leurs Aventuriers tels qu'ils sont au moment du départ de leur compagnon mage, soit ils décident de tous "sauter le pas", c'est-à-dire de jouer désormais leurs Aventuriers tels qu'ils sont au retour de leur compagnon, au moment où le groupe se retrouve de nouveau réuni, des années plus tard, après une ellipse temporelle de plusieurs années. Cela revient à décider "Bon, jusqu'ici on a joué nos personnages jeunes, un peu expérimentés... Maintenant, des années ont passé, ils sont âgés, ils ont beaucoup plus d'expérience et on va avoir avec nous un mage nettement plus puissant... On passe au niveau supérieur, on va jouer des persos de haut niveau." Au Chroniqueur et aux joueurs d'exploiter pleinement toutes les possibilités offertes par un tel changement. A combien d'années allez-vous fixer la durée de l'ellipse correspondant au temps de la Promenade ? Comment s'est passée cette Promenade ? Dans quel état le mage en revient-il ? Qu'ont fait les autres Aventuriers pendant son absence ? Se sont-ils séparés ? Dans quel état sont-ils maintenant qu'ils ont vieilli d'une dizaine, d'une quinzaine ou d'une vingtaine d'années ? Comment le groupe en vient-il à se retrouver ? La Promenade constitue donc un heureux prétexte à de nombreuses possibilités pour le groupe, et dans cette dernière optique, cela peut lui donner une couleur de "Vingt ans après" version magie. En termes de jeu, tous les personnages ont bien sûr nettement gagné en expérience. Aux joueurs et au Chroniqueur de se mettre d'accord sur l'ampleur des augmentations à faire dans les caractéristiques et les compétences, sur les armes et l'équipement à rajouter, les connaissances découvertes pendant tout ce temps, et, pour l'Aventurier de retour de Promenade, sur la puissance des sorts qu'il peut avoir acquis ou même inventés. Après un tel saut dans le temps, le groupe peut repartir à l'aventure transformé, peut-être mieux armé pour explorer Fantasia et se confronter au Grand Absurde.

La Magie nuagine

Mage nuagin créant un nuage lumineux, par TybaltLes mages et les enchanteurs nuagins ont toujours semblé d'une puissance peu commune aux mages "terrestres" qui les ont vu à l'oeuvre ; en fait, il n'en est rien. Les Mages nuagins sont en effet en mesure de déployer des sortilèges spectaculaires et redoutablement efficaces, surtout quand il s'agit de magie de combat ; proportionnellement aux mages hiscontes, les mages puissants, correspondants au niveau Enchanteur, sont plus nombreux. Mais les Archimages et les Transplanaires sont encore plus rares que dans l'En-Bas. Et il convient de rappeler quelques données fondamentales caractérisant la magie des Nuagins, qui expliquent cette impression de puissance (pas entièrement infondée, il faut bien le dire !).

La magie nuagine utilise relativement peu de sortilèges, mais les mages ont l'habitude de travailler leurs quelques sorts de façon très approfondie, de façon à en obtenir des effets potentiellement beaucoup plus puissants. En termes de théorie magique, cela revient à travailler constamment le dessin (mental ou physique) d'un hiéroglyphe identique, sur lequel on réalise, en "brodant" le dessin, des ajouts et des détails de plus en plus complexes, mais toujours sur le même thème. En revanche, les sorcelets et les sorts de niveau Apprenti, tels qu'ils sont assez couramment utilisés en Hiscontie, n'existent presque pas chez les Nuagins.

Un autre élément qu'il faut absolument prendre en compte est la grande stabilité du Haut-Ciel, ou tout au moins de la Stratosphère aux altitudes où vivent les Nuagins : le peu de manifestations du Nonsense facilite grandement la pratique de la magie (les mages des expéditions stratosphériques hiscontes en témoignent tous dans leurs récits de voyages). Inutile de rappeler que cet avantage ne joue pas lorsqu'un mage nuagin tente de faire de la magie en dehors de la Stratosphère (au hasard, dans l'En-Bas), cas rare au demeurant.

La magie des Nuagins repose sur une théorie magique spécifique, entièrement solidaire de leur cosmogonie. Le hiéroglyphe magique, avec ses traits entrelacés, apparaît à l'image des dessins que le Souffle de Wholz esquisse dans les nuages. On comprend alors facilement que presque tous les sortilèges nuagins soient liés à la maîtrise des phénomènes météorologiques, et aux éléments de l'air, de l'eau et de la lumière.

Les mages nuagins se répartissent en plusieurs corps définis par leurs spécialités : en effet, la magie est employée chez les Nuagins à des fins très diverses, qui sont principalement : l'architecture et la vie quotidienne ; la recherche et la préservation de la mémoire collective ; et la magie utilisée à des fins militaires.

Quelle que soit sa spécialité, la magie nuagine comporte toujours une part de divination, dans la mesure où toute pratique magique, quelle qu'elle soit, revient toujours à entretenir un contact avec la part divine du monde par l'intermédiaire d'un sortilège. Il faut garder à l'esprit que pour les Nuagins, tout sortilège que l'on lance revient à une offrande offerte aux dieux. On remarque également que la distinction entre mages, érudits et prêtres est à peu près inexistante dans l'empire nuagin : en dehors des Prêtres du Vent réunis dans le Conseil des Brumes, tous les mages jouent aussi le rôle de prêtres, et tous les prêtres sont de grands érudits (le prêtre ignorant ou peu cultivé n'existe pas chez les Nuagins). Une telle conception de la magie est cependant très logique puisque, comme on l'a vu, la magie des Nuagins repose entièrement sur leur cosmogonie et leur mythologie, donc sur des explications religieuses.

Modeleur faisant apparaître un nuage, par TybaltLes mages de la vie quotidienne sont appelés Modeleurs. Ce sont des sortes de mages-architectes, qui connaissent bien les nuages, leur densité, leurs formes naturelles, et savent aussi tirer de leurs observations nombre de renseignements. Ils sont essentiellement chargés, comme leur nom l'indique, d'influencer la forme des nuages, et plus précisément de leurs volutes, afin d'en faire des habitations. Grâce à eux, les Nuagins n'ont nullement besoin de rassembler des matériaux ou de construire quoi que ce soit pour se loger : ils tirent leurs habitations de la surface même des nuages ou des plaines stratosphériques, et leurs habitations ne sont autres que des zones nuageuses modelées d'un seul tenant pour former des pièces, des couloirs, des escaliers, des tours... En ce sens, les Nuagins sont troglodytes. Les Modeleurs se rendent aussi utiles plus spécifiquement sur les nuages-colonies. En effet, comme la plupart des Nuagins vivent non pas sur des plaines stratosphériques à forme fixe, mais sur des nuages totalement immatériels qui, comme tous les nuages, apparaissent, changent de forme et disparaissent au gré des vents et des températures, leurs habitants sont souvent contraints de s'adapter à ces changements, c'est-à-dire de déménager pour un autre endroit de leur nuage, ou de le quitter pour un autre lorsqu'ils voient que le nuage rétrécit au point de disparaître bientôt. Les Modeleurs peuvent alors retarder légèrement ces altérations des nuages, afin d'éviter que leurs habitants se retrouvent (même temporairement) privés de logis. D'autres mages sont spécialisés dans le contact magique avec la faune et la flore stratosphériques, et forment une multitude de spécialités numériquement moins importantes ; il existe par exemple des mages entièrement voués aux Arbres de pierre, d'autres aux plantes dérivantes du Haut-Ciel ou aux Baleines volantes. Les Modeleurs se réfèrent avant tout à Wholz, le Vent divin, tandis que les mages de la faune et de la flore se réfèrent plus volontiers à Rhéan, l'Horizon, et à Yania, la Joie, qui sont tous deux les créateurs des premières créatures vivantes.

Les mages chargés de la recherche et de la préservation du savoir nuagin ne sont autres que les Prêtres du Vent. De même que les Modeleurs, ils sont représentés dans tous les nuages-colonies et toutes les plaines stratosphériques. Ce sont généralement des Enchanteurs, et ceux du Conseil des Brumes de Geerta figurent parmi les mages les plus puissants de l'empire (à l'exception des mages-guerriers, voir plus loin) et les meilleurs dans leur spécialité ; mais ils sont surtout renommés pour leur grande érudition et leur parfaite connaissance de l'histoire du Haut-Ciel. Ils sont spécialisés dans la Divination, et, en tant que mages, sont appelés les Sibyllins (on les appelle soit Prêtres du Vent, soit Prêtres sibyllins). Tandis que les Modeleurs influencent la forme des nuages pour les rendre habitables, les Sibyllins savent comment lire leurs volutes naturels. Ils partagent en partie ce savoir primordial avec les Modeleurs, mais sont bien plus instruits qu'eux en la matière. Ils sont capables de passer des heures à regarder les nuages et les évolutions naturelles de leurs formes, afin d'apprendre ce que tout nuage raconte naturellement. Car ils pensent que les nuages sont la mémoire du monde, et que les entrelacs subtils de leurs courbes et de leurs formes racontent constamment l'histoire des siècles passés, présents et peut-être à venir. Ils peuvent aussi écouter longuement les sifflements du vent et toutes les sortes de bruits feutrés, imperceptibles pour l'ouïe grossière des habitants de l'En-Bas, qui se font entendre dans le Haut-Ciel, et prononcer des oracles sous la dictée du chant des limbes. Les Sibyllins sont également capables d'écrire en quelque sorte dans de petits nuages qu'ils façonnent selon une technique proche de celle des Modeleurs, mais qu'ils utilisent pour entreposer du savoir. L'aéronaute hisconte Swann Koja parle d'immenses nuages creux renfermant d'innombrables petis nuages, qui seraient autant de bibliothèques renfermant une quantité étourdissante de connaissances sur Fantasia encore inconnues des habitants de l'En-Bas. Les Hiscontes envient ces trésors de savoir, et certains pensent que Swann y aurait eu accès plus qu'il n'a bien voulu le dire dans ses Récits de voyages chez les Nuagins. On murmure même qu'il aurait été initié à l'art de lire dans les nuages... mais il semble avoir emporté ce secret dans la tombe. Les Prêtres sibyllins sont avant tout les Prêtres du Wholstreem, le Vent comme Parole bruissante du Dieu, mais la divination qu'ils pratiquent les lie intimement aux deux Puissances primitives Org et Kanoutos, le Temps et le Destin, qui s'incarnent selon eux dans l'altération et l'évolution des nuages dans le ciel.

Les mages-guerriers nuagins sont les plus puissants de tous, ou du moins ceux dont les sortilèges sont les plus spectaculaires et les plus terribles : ils peuvent déchaîner la tempête, former d'immenses nuages d'orage, appeler grêle, pluie et foudre sur leurs adversaires, ou lâcher sur eux des vents sauvages qui les emportent vers le lointain, les soufflent, les écartèlent ou les dissolvent ; d'autres savent tisser les rayons du soleil, et les plus puissants savent invoquer les Typhons. Ils pratiquent le Fagnah'Yaz, le déchaînement de la tempête entendue comme la colère de Wholz, et ils se réfèrent bien entendu au Fagnah'Kepfh ; cette adoration particulière pour Fagnah' leur confère une réputation d'ambiguïté et de dangerosité au sein de la population nuagine, car à l'image de la divinité Fagnah', leur art risque toujours de les entraîner vers la destruction aveugle et incontrôlée, le déchaînement d'une furie chaotique ; c'est pourquoi ils se montrent eux-mêmes extrêmement prudents et ne font jamais usage de leur magie à la légère ou pour de vains motifs, mais seulement lorsqu'il y va de la vie de leur peuple.

Mage Aquilon nuagin marchant dans les limbes, par TybaltIl y a plusieurs sortes de mages-guerriers nuagins.

Les Aquilons sont spécialisés dans le dressage des vents et des nuages de tempête ; ils savent changer de petits nuages de beau temps en de monstrueuses nuées noires porteuses d'orage en quelques minutes, appeler pluie, neige ou grêle, déchaîner éclairs et tonnerre sur leurs victimes. Leur maîtrise des vents est particulièrement impressionnante, car ils savent leur faire atteindre des vitesses vertigineuses, auxquelles même de lourds aéronefs résistent à grand peine. Ils connaissent aussi les secrets de la formation des trombes et des tornades, et en déployant tout leur talent, ils peuvent faire se confondre mer et ciel dans un brouillard humide et imperscrutable, au point que leurs ennemis ne peuvent que s'y perdre et désorganiser leur flotte. Les rares Hiscontes qui ont assisté à des batailles de grande envergure entre Nuagins et Nains de Ciel sont restés ébahis devant l'immensité des masses d'air et des masses nuageuses que ces enchanteurs sont capables de retenir en leur pouvoir. Les Aquilons se reconnaissent à leurs vêtements nuancés de gris et de noir, comme de sombres nuées annonciatrices de tempête ; ils vont au combat transportés par les vents, mais d'autres préfèrent chevaucher des Baleines volantes, dont les ailes puissantes, brassant l'air stratosphérique, les aident à convoquer les vents. Le lien qu'ils entretiennent avec ces Baleines est parfois extrêmement fort. On dit que les cinq Seigneurs des Nuages qu'évoquent les légendes nuagines ne seraient autres que les plus anciens et les plus puissants des Aquilons, qui auraient fusionné à la fois avec leur monture et avec les vents qu'ils invoquent. Ils parcourent le ciel de Fantasia, solitaires, gardiens du Palais de Brume, demeure des dieux, prêts à s'entourer de cyclones en cas d'attaque venue de l'En-Bas... mais on ne les a que très rarement aperçus. Les Aquilons sont les premiers adorateurs de Yaz, dieu de l'Air, Souffle rejeton de Wholz.

On peut reconnaître les mages Aquilons à leur chevelure, qu'ils portent très longue.

Les Hélionautes sont les mages de la lumière. Ils savent voir et distinguer les rayons du soleil, et les utilisent pour se déplacer dans le ciel, pour se fabriquer des ailes chatoyantes ou des vêtements éblouissants ; ils peuvent les tisser et les tresser pour ériger des colonnes brûlantes, ils peuvent assécher l'atmosphère et la rendre aussi chaude que dans la Thermosphère, tellement que le métal fond et que le bois s'enflamme spontanément. Bien que manipulant surtout l'Azl, la lumière du Zénith, ils aiment à travailler avec les guerriers de l'Ilph, le feu du soleil couchant. Quelques-uns d'entre eux, les Stellins, tissent aussi la lumière des étoiles, et savent jouer comme de la harpe sur les rayons de la lune ; leurs sortilèges sont en apparence plus paisibles et parfois moins agressifs, mais leurs envoûtements sont tout aussi redoutables. Hélionautes et Stellins maîtrisent aussi l'art des mirages et des illusions d'optique générées par les différences de température entre les couches d'air ; et ils savent aussi convoquer les sept couleurs de l'arc-en-ciel et les plier à leurs désirs. Les Hélionautes et les Stellins se réfèrent à Eyil, Dieu de la Lumière, créateur de la Couleur et du Clair-Obscur, l'un des multiples enfants de Wholz.

La Magie des S'Raal

La magie telle que la pratiquent les dinosauriens S'Raal est une adaptation à la Magie Commune d'une forme de magie assez différente, pratiquée avant la naissance des Trois Empires par les S'Raal dans leur pays d'origine, disparu depuis. De cette ancienne pratique, les sortilèges S'Raal ont gardé une caractéristique qui leur est propre : ce sont tous des sorts chantés, étroitement liés à la voix profonde des S'Raal et à leur langage étrange, fait de mugissements, au point qu'il est à peu près impossible pour un mage d'un autre peuple de lancer un sort d'origine S'Raal tel quel, à moins de l'adapter de façon qu'il n'y ait plus besoin de le chanter (ce que seul un Enchanteur ou supérieur peut faire) ou, plus simplement, de se lancer sur soi-même un sort préalable permettant d'imiter les mugissements S'Raal.

Pour vous faire une idée de ce à quoi peut ressembler la voix d'un mage S'Raal en train de lancer un sort, imaginez-vous un mélange savant entre le mugissement d'un iguanodon, le chant d'une baleine et un rythme traditionnel inuit (accessoirement, des chants de baleine en fond sonore - sans les bruits des vagues ! - peuvent éventuellement servir à installer cette ambiance étrange). Les sorts les plus complexes voient parfois des groupes de S'Raal chanter en choeur, se répondre, prolonger mutuellement leurs chants, formant de véritables harmonies envoûtantes qui laissent rarement indifférents ceux qui y assistent.

Du fonctionnement véritable de la magie

En Hiscontie, tous les mages, si on les interroge, seront parfaitement capables de vous résumer en quelques phrases la théorie magique qui, disent-ils, préside au lancement de leurs sortilèges. Même les étudiants en magie, dès leurs premiers cours d'apprentis, apprennent très tôt des notions de théorie de la magie, et cela paraît d'ailleurs normal, car comment parvenir à lancer un sort sans savoir exactement ce qu'est la magie et comment elle fonctionne ? Le problème, c'est que si on creuse vraiment la question à fond... personne ne sait vraiment ce qu'est la magie, ni comment elle marche, que ce soit en Hiscontie ou ailleurs. Les mages hiscontes sont d'ailleurs extrêmement contrariés quand on les force à le reconnaître. Imaginez si tout le monde savait ça : les mages passeraient pour des inconscients qui ne savent pas ce qu'ils font et ne peuvent maîtriser leur propre magie !

Mais au fond, telle est la vérité : on a beau savoir faire de la magie , on ignore ce qu'elle est et comment elle fonctionne vraiment. Cela ne veut pas dire qu'on n'a pas produit plusieurs théories pertinentes capables de l'expliquer de façon très juste et de la maîtriser correctement. Le vrai problème est lié à la nature profonde de la magie, bien au-delà des manipulations nécessaires au lancement d'un sortilège. En général, les Mentors et autres professeurs de magie transmettent à leurs élèves une certaine thèse sur la question, en même temps qu'ils leur apprennent à lancer les sorts ; ce n'est qu'après que les mages, au fil des ans, se rendent compte de l'insuffisance de ces premières explications. A eux, alors, de continuer en renonçant à comprendre, ou de se lancer dans la recherche théorique sur la magie, que l'on appelle Magiologie. Ils parviennent généralement à ajouter à l'édifice théorique quelques détails supplémentaires ou quelques remarques intéressantes, mais rien de plus : cette recherche a les dimensions d'une véritable quête, comparable à ce que pourrait être dans le monde réel la recherche d'une loi scientifique capable d'expliquer l'ensemble du fonctionnement de l'univers de façon cohérente... Autant dire qu'en fait, on est encore loin d'avoir trouvé ! Une autre solution consiste à partir en Promenade pour observer mieux la magie de Fantasia. C'est incontestablement une meilleure méthode : en fait, la plupart des théories majeures sur la magie ont été avancées par des Enchanteurs ou des Archimages après leur retour de Promenade...

On pourrait se demander à quoi bon s'acharner inutilement sur une question de théorie épineuse, difficile, en des recherches souvent ingrates et toujours épuisantes, alors que de toute façon la magie, ça ne marche pas si mal, qu'on sache ou non ce que c'est. Ce serait oublier le lien étroit qui existe entre la magie et le Nonsense dans l'esprit de nombreux Fantasiens, Hiscontes compris. C'est pourquoi il est sans doute utile de passer en revue les grandes thèses qui existent sur le fonctionnement véritable de la magie.

La question principale est en fait celle de la vraie nature de la magie. Que doit être la magie : art, science ou mystique ? Tous les étudiants en magie tombent tôt ou tard sur ce genre de question à traiter en dissertation, et ce n'est pas pour rien !

- Si la magie est une science, cela veut dire que la magie, comme force magique, existe dans Fantasia en tant que manifestation naturelle, au même titre qu'il existe une loi de la gravitation. Les mages sont alors comparables, lorsqu'ils élaborent leurs sortilèges, aux artisans nains qui utilisent les lois naturelles du monde pour fabriquer des machines en profitant du fait que l'eau fait de la vapeur quand on la chauffe.

- A cette première thèse s'oppose la seconde, celle qui voit en la magie un art, comme la poésie par exemple. Dans ce cas, cela signifie qu'il n'existe pas de magie naturelle, et que les magiciens ajoutent quelque chose au monde lorsqu'ils mettent en oeuvre un sort, qu'ils introduisent dans l'ordre naturel du monde un élément nouveau, créé par eux, artificiel, qu'ils utilisent comme un outil pour manipuler les composantes naturelles de la réalité.

- Il existe également une troisième thèse, celle qui fait de la magie une mystique : dans cette dernière éventualité, les mages n'entrent pas dans l'ordre naturel du monde en faisant de la magie, mais ils ne créent rien non plus ; ils ont recours à une force surnaturelle, d'ordre métaphysique ou divin, qui dépasse les lois de la nature et en constitue le moteur caché ; ce faisant, ils ont accès à une autre réalité, une réalité supérieure qui leur permet de manipuler le monde et leur accorde des pouvoirs semi-divins. En Hiscontie, les mages se partagent en gros entre ces trois positions, chacune ayant ses défenseurs reconnus et ses ouvrages théoriques de référence.

Ces trois grandes thèses engagent la relation du mage au monde et à sa propre façon de pratiquer la magie. Mais elles engagent aussi le rapport entre la magie et le Nonsense. Et là, les positions divergent différemment.

- Certains tenants d'une magie-science soutiennent que la magie n'a, dans sa nature profonde, strictement différente du Nonsense, même si leurs manifestations sont en apparence similaires. La magie entre dans le cadre des lois naturelles du monde, tandis que le Nonsense représente une aberration, une erreur introduite on ne sait comment dans la nature. De là à penser que c'est à la magie de protéger les Fantasiens et en particulier les Hiscontes contre le Nonsense, il n'y a qu'un pas que l'on franchit souvent. D'autres tenants de cette même thèse - mais ils sont très rares - soutiennent au contraire que magie et Nonsense ont exactement la même nature : le Nonsense ne serait autre que l'ensemble des manifestations d'une magie spontanée, qui fait partie intégrante de la nature et avec laquelle on doit s'accommoder, la magie étant une forme de Nonsense utilisé par l'homme (reste à savoir si la magie peut entièrement mettre le Nonsense à son service et soumettre à l'homme toute la magie du monde, comme le pensent certains).

- Les tenants d'une magie-art soutiennent, logiquement, les thèses inverses : selon certains d'entre eux, magie et Nonsense n'ont aucun rapport, précisément parce que la magie est une création artificielle de l'homme, tandis que le Nonsense fait de toute évidence partie intégrante de la nature. Selon les autres, à l'inverse, magie et Nonsense sont identiques. Au dire de ceux-là, "La magie est au royaume ce que le Nonsense est à la nature" : la nature a besoin de s'auto-altérer constamment par le biais du Nonsense pour se maintenir à l'existence et ne pas sombrer dans le néant, et de même, l'homme a besoin d'un art qui lui permette de modifier en permanence son royaume, sa cité, son village, sa campagne, bref, son habitat, pour ne pas se retrouver inadapté à son environnement et périr.*

- Les tenants de la thèse d'une magie-mystique sont divisés de la même façon. Selon une partie d'entre eux, la magie et le Nonsense sont non seulement différents mais radicalement opposés dans la création : la magie est la manifestation du pouvoir des dieux au sein de leur création, tandis que le Nonsense représente le pouvoir d'une entité divine démente à laquelle les dieux ont été confrontés au moment de la disparition de Phantasmagoria et de la création de Fantasia, entité qu'ils tentent d'éliminer pour permettre à Fantasia de retrouver l'harmonie perdue de Phantasmagoria ; et c'est pour lutter contre le Nonsense qu'ils ont permis aux mortels de contrôler en partie la magie, pour les assister dans cette lutte et corriger les "erreurs" qu'introduit le Nonsense dans l'ordre du monde. Au contraire, les autres pensent que le Nonsense et la magie ont la même nature, car c'est le Nonsense qui représente le pouvoir des dieux à l'oeuvre dans la création, qu'ils modèlent en permanence selon leur désir/volonté/pouvoir et renouvellent constamment dans un élan de fécondité perpétuelle ; c'est pour cela qu'ils ont accordé à leurs créatures un pouvoir similaire d'altération de la réalité, afin de les inciter à ne pas tenter de se figer dans une fixité rigide et sclérosante qui ne peut leur apporter que la corruption et l'anéantissement. Magie et Nonsense ne doivent donc nullement s'affronter et ne peuvent être qu'alliés pour exercer une fonction commune.

On voit que les partisans des unes et des autres thèses finissent par se regrouper en deux camps : ceux qui pensent que la magie et le Nonsense sont différents et ceux qui pensent que c'est la même chose. Mais on voit aussi qu'il n'y en a pas deux pour avoir, au fond, le même avis, et chacun détient sûrement une partie de la vérité en croyant la détenir toute. Qu'on s'imagine, à partir de ce bref exposé, la complexité des débats qui mettent aux prises les différentes écoles de magie, et l'ampleur des malentendus et des quiproquos qui peuvent s'établir entre tenants de l'une ou de l'autre thèse !

L'Alphabet magique

Ce que les mages nomment l'Alphabet est le seul vrai fondement théorique assuré de la Magie commune et même, semble-t-il, de toute magie en Fantasia. C'est pourquoi les magies des différents peuples, la Magie Commune et même la Magie des MOTS reposent sur ce même fondement commun. L'Alphabet magique est composé de quinze Phonèmes primaires, quinze formes fixes formant la base de toute magie, et qui peuvent se combiner et s'assembler entre eux de façons innombrables, plus ou moins complexes, pour altérer la réalité d'innombrables façons, c'est-à-dire réaliser d'innombrables sortilèges différents, un peu comme des atomes de matière s'assemblent pour former toutes sortes de choses (sauf que les Phonèmes sont vraiment la plus petite forme de magie possible, tandis que les atomes sont eux-mêmes composés de plein de choses plus petites... ah bon, vous aviez compris quand même ? D'accord, d'accord...). Je précise que ce fondement commun n'a été mis à jour qu'autour de l'an 1100 après J... eh oui, il y a tout de même du progrès sur Fantasia malgré tous ces mystères. Avant, on pensait que cet Alphabet était propre à la Magie commune et qu'il existait d'autres Alphabets propres chacun à une forme de magie.

Il ne faut pas confondre ces quinze Phonèmes primaires avec ce que les marchands de MOTS appellent aussi des phonèmes, qui existent à l'état naturel dans les profondeurs du sol, car ce ne sont pas des Phonèmes primaires, ce sont des phonèmes complexes, c'est-à-dire des phonèmes dérivés nés de l'assemblage de plusieurs Phonèmes primaires. Confondre les deux serait un peu comme confondre des molécules avec les atomes qui les forment...

Or donc, ces quinze Phonèmes primaires représentent la magie la plus simple, la plus réduite, la plus basique qui puisse exister. Chacun d'entre eux correspond à une façon donnée d'altérer la réalité. Il est à peu près impossible, pour le commun des mages, d'utiliser un Phonème seul, car c'est extrêmement difficile et nécessite une très grande maîtrise magique : c'est pourquoi l'écrasante majorité des sorts lancés en Fantasia sont des sortilèges correspondant à des hiéroglyphes, c'est-à-dire à des schémas mentaux complexes, des phonèmes complexes nés de l'assemblage entre eux de ces Phonèmes primaires. Ainsi, un hiéroglyphe magique consigné dans un grimoire n'est autre qu'un phonème complexe mis sous forme de dessin pour être compris par un mage. Seul un Archimage ou un Transplanaire est capable d'isoler un Phonème primaire de magie pour l'utiliser à l'état pur, brut de toute combinaison avec d'autres. Et bien qu'un Phonème primaire n'ait en soi aucune puissance particulière, il peut devenir dévastateur dans l'esprit d'un Archimage capable d'y accumuler beaucoup d'énergie. Il existe en Magie commune quinze sorts de niveau Archimage dits "Prononciations" qui consistent justement, pour le mage, à mobiliser l'un de ces quinze Phonèmes (et aussi le Seizième, que nous verrons plus loin).

L'existence même de cet Alphabet commun suscite des débats passionnés entre mages et entre érudits. Pour les uns, l'Alphabet est la preuve qu'il existe un ordre du monde et que le Nonsense est une erreur surajoutée on ne sait comment à la nature dans Fantasia. En effet, si l'Alphabet n'était pas, au moins en partie, l'expression directe de la réalité ordonnée du monde, comment pourrait-il agir sur elle ? De plus, cet Alphabet présent partout sur Fantasia, dans de multiples magies différentes, et apparemment identique depuis la création de Fantasia, cet Alphabet n'a jamais été altéré par le Nonsense et représente un pôle de stabilité fondamental ! C'est donc qu'en l'étudiant et en l'utilisant, on peut retrouver l'harmonie cachée du monde et la rétablir définitivement pour supprimer le Nonsense et ses effets chaotisants.

Mais pour les autres... c'est le contraire : il n'est pas si sûr que cet Alphabet soit le bon, qu'il n'y entre pas de faux Phonèmes primaires, ou que certains Phonèmes ne soient pas devenus sensibles au Nonsense au fil du temps. Utiliser cet Alphabet avec trop de confiance ou en croyant qu'il permettra de supprimer le Nonsense ne peut donc que mener à la catastrophe. Selon ces critiques, pour retrouver une magie véritablement efficace et pouvoir surpasser le Nonsense, il faut "tout simplement"... corriger l'Alphabet en rétablissant les vrais Phonèmes et en éliminant les Phonèmes interpolés ou altérés. Il faudrait donc supprimer certains Phonèmes, en rajouter d'autres une fois retrouvés voire reconstitués, et ne plus utiliser que ceux-là pour composer des hiéroglyphes. Je vous laisse imaginer la difficulté d'une pareille entreprise de recherche de la "vraie magie" ! Et pourtant, beaucoup de mages l'ont entreprise... en vain, du moins jusqu'à présent.

Le Seizième Phonème : ce développement théorique permet de mieux comprendre les fondements de la Magie Chaomantique, qui fut la magie par excellence des Trois Empires. Lorsque les trois futurs Empereurs s'enfermèrent dans leur triple tour pour trouver un moyen magique de combattre le Nonsense, ils connaissaient l'existence de l'Alphabet magique et des quinze Phonèmes primaires. Ils entreprirent alors d'en créer artificiellement un seizième qui soit l'égal, en nature et en simplicité, des quinze déjà existants : ce Seizième Phonème, nommé par la suite Premier Phonème de la Chaomancie, permettait - on sait mal comment - d'asservir la réalité qu'il affectait au Sens, c'est-à-dire à une certaine façon d'exister conforme à un Ordre qui en excluait l'absurdité inhérente au Nonsense. Dans la pratique, ce nouveau Phonème rendait possible, par toutes les interactions qu'il pouvait avoir avec les quinze autres, un très grand nombre de nouveaux sortilèges qui avaient en commun d'affecter, d'atténuer, voire d'empêcher définitivement les manifestations du Grand Absurde. C'est l'ensemble des sortilèges dont les hiéroglyphes utilisent le Seizième Phonème que l'on a appelé la Magie Chaomantique ou Chaomancie.

On sait qu'après une période faste marquée par des succès croissants et inespérés, cette magie a connu des échecs grandissants, a perdu en stabilité, pour finir par disparaître en même temps que les Empires qu'elle avait permis de fonder, lors du Cataclysme Etrange de 1723 après J. Il semble que cette instabilité puisse s'expliquer en partie par le Seizième Phonème lui-même. Selon certains mages hiscontes spécialisés dans la question, le fait même que le Triumvirat des mages ait pu créer un nouveau Phonème primaire suffit à invalider la thèse selon laquelle l'Alphabet exprime directement la réalité du monde, car si cette thèse était juste, il aurait été impossible d'augmenter l'Alphabet artificiellement. Selon d'autres, le Seizième Phonème présentait seulement un défaut de conception, et c'est pour cette raison qu'il a perdu peu à peu son efficacité sur la réalité. Cela signifierait que tout le pouvoir des mages du Triumvirat n'aurait pas suffi à créer un Phonème achevé, ce qui laisse songeur quant à la puissance et à la maîtrise magique nécessaires pour réaliser la création d'un véritable Phonème primaire susceptible de prendre place définitivement dans l'Alphabet... Selon d'autres encore, le Premier Phonème aurait simplement été peu à peu corrompu par le Nonsense même qu'il était censé éliminer.

 


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