Gustave Doré
Gravures pour la "Divine comédie" de Dante
 
Je montre ici quelques-unes des nombreuses gravures réalisées par Gustave Doré (1832-1883), l'un des plus grands illustrateurs français du XIXème siècle, pour la Divine comédie de Dante. Je ne reviendrai pas sur ce chef-d'oeuvre de la langue italienne, parce que j'en sais encore bien trop peu de choses (à vrai dire, je le découvre à peine), mais je ne saurais que vous conseiller de vous plonger dedans. Les gravures de Doré, par leur extraordinaire profondeur et leurs magnifiques contrastes d'ombres et de lumière, sont bien plus agréables à admirer sur du papier véritable que sur un écran d'ordinateur. Si vous pouvez vous les procurer dans une version illustrée de la Divine comédie, n'hésitez pas une seconde.
J'ai choisi ces gravures pour leur caractère particulièrement fantastique ; elles ne manqueront pas de fouetter l'imagination de tout Meneur de Jeu qui se respecte. Fantasia se prête bien à ces ambiances sombres et baroques, à mi-chemin entre rêve, cauchemar et allégorie : n'ayez donc aucun scrupule à vous servir de ces gravures, et même de l'oeuvre de Dante, pour enrichir et transfigurer vos parties. Après tout, comme source d'inspiration, on a fait pire :o)
Pour bien situer chaque illustration dans la Divine comédie, chaque gravure est accompagnée d'un extrait du chant qu'elle illustre. La traduction des tercets est de Louis Ratisbonne et date, à ce qu'il me semble, de 1852.

Gustave Doré, gravure pour l'Enfer de DanteLes damnés changés en arbres (L'Enfer, chant treizième)

Et mon bon maître : "Il faut tout d'abord te l'apprendre :
Au deuxième degré nous venons de descendre ;
Il nous faudra rester sous ses tristes abris
 
Jusqu'au seuil plus horrible où commencent les sables.
Regarde ! tu verras des choses effroyables,
Et tu croiras peut-être à tout ce que j'ai dit."
 
Déjà, de tous côtés, l'air de plaintes résonne.
J'écoutais, je cherchais, et ne voyais personne,
Et ce bruit me faisait m'arrêter, interdit.
 
Il crut que je croyais que ces cris ineffables
Retentissaient, poussés par des ombres coupables
Qui se cachaient de nous dans le branchage épais.
 
Et, dans cette croyance, il me dit : "Si tu cueilles
Un rameau seulement au milieu de ces feuilles,
Tu verras tes pensers étrangement trompés."
 
Moi, la main étendue en avant, je me penche,
Et détache d'un arbre une petite branche ;
Le tronc crie aussitôt : "Ah ! pourquoi m'arracher ?"
 
Tandis que d'un sang noir l'écorce se colore,
"Pourquoi me déchirer ?" répète-t-il encore ;
"O cruel, et ton coeur est-il donc de rocher ?
 
Nous fûmes autrefois des hommes, tes semblables,
Et plus que des serpents fussions-nous méprisables,
Tu devrais être encor pour nous compatissant."

Gravure de Doré pour L'Enfer de Dante


Le monstre Géryon (l'Enfer, chant dix-septième)

 

"Voici qu'il vient, le monstre à la queue affilée,
Qui passe monts, qui brise armes, tour crénelée,
Et de son souffle impur pourrit le monde entier."
 
Mon maître, en même temps qu'il me tint ce langage,
A la bête du geste indiqua le rivage,
L'invitant à monter jusqu'au pierreux sentier.
 
Et de la Fourbe alors cette hideuse image
S'en vint ; elle avança le torse et le visage,
Laissant pendre sa queue en arrière des bords.
 
Ses traits semblaient d'abord les traits d'un homme honnête,
Tant douce était la peau qui recouvrait sa tête ;
En serpent s'allongeait le tronc et tout le corps.
 
Elle avait deux grands bras velus jusqu'aux aisselles,
Et des noeuds tachetés en forme de rondelles
Emmaillaient sa poitrine et son dos et ses flancs.
 
Avec tant de couleurs jamais Turcs ni Tartares
N'ont brodé le dessin de leurs étoffes rares ;
Même Arachné filait des tissus moins brillants.
 
Comme on voit quelquefois une barque captive :
La poupe est dans les flots, la proue est sur la rive ;
Ou comme au ciel du vorace Germain
 
Le castor pour chasser s'accroupit au rivage ;
Ainsi vint s'aplatir cette bête sauvage
Sur le roc qui bordait le sablonneux chemin.
 
Elle tordait sa queue énorme dans le vide
Et dressait une fourche au venin homicide,
Vrai dard de scorpion à sa queue attaché.

 


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