Les expéditions hiscontes en Fantasia

 

L'Hiscontie est un pays que nous autres, habitants du monde réel, pouvons avoir beaucoup de mal à comprendre, car sa situation ne ressemble à celle d'aucun pays réel : en effet, l'Hiscontie vit depuis sa création dans un état d'isolement presque complet, en tout cas dépourvue du moindre contact durable avec d'autres pays stables, tout en ne cessant de chercher (à peu près en vain) à établir ces contacts par d'incessantes expéditions qu'elle organise pour explorer le reste de Fantasia. Le résultat est un fonctionnement interne très particulier, où expéditions et explorateurs tiennent un rôle primordial.

Le mythe de l'exploration

La population hisconte, comme toute population, possède une conscience collective, mais aussi un inconscient et un imaginaire empli de légendes et de mythologies qui influent sur son comportement. Parmi ces mythes, celui de l'exploration du monde est le plus fermement ancré et le plus puissant. Il faut savoir qu'au temps où les Hiscontes n'étaient pas encore les Hiscontes mais seulement des nomades errants ici et là parmi les contrées instables et chaotiques de Fantasia, ils ne se connaissaient qu'à peine les uns les autres, venant de tous les horizons, et malgré les distances immenses qu'ils parcouraient et les innombrables êtres qu'ils rencontraient, ils ignoraient presque tout du monde et de leur propre passé. Le fait de trouver enfin à s'établir dans un pays à peu près vivable a suffi à éveiller durablement en eux le désir de connaître enfin leurs propres origines et la nature exacte de cet univers où ils avaient si étrangement et si péniblement vécu par le passé. De là le mythe de l'exploration du monde : tout Hisconte est persuadé qu'avec du temps et du courage, les explorateurs parviendront un jour à

- se faire une idée précise de la géographie de Fantasia,

- reconstituer l'histoire de Fantasia en général et du peuple hisconte en particulier,

- découvrir les autres pays stables existant actuellement à la surface de Fantasia, nouer avec ces pays des relations durables, amicales et enrichissantes à tous les sens du terme, afin de faire de l'Hiscontie la nation la plus grande, glorieuse et florissante de Fantasia, c'est-à-dire, au bout du compte, faire revivre l'âge d'or du monde disparu de Phantasmagoria.

Ce sont là les trois objectifs principaux que partagent les élites du peuple hisconte : les mages, les érudits et les guerriers (élite ésotérique, élite intellectuelle, élite militaire), et c'est le fait de consacrer sa vie entière à la réalisation de cette grande aspiration nationale qui fait de l'un d'eux un explorateur.

Les explorateurs

La figure de l'explorateur est très présente dans les esprits des Hiscontes, sous la forme du type idéal de l'homme civilisé et civilisateur, stable et stabilisateur, doué tant dans les arts de la guerre que dans ceux de la magie et dans les sciences, et capable de supporter les conditions de vie les plus extrêmes afin de parcourir Fantasia et d'en rapporter de précieuses informations pour contribuer au grand projet commun d'exploration du monde. En fait, les explorateurs sont rarement mages, érudits et guerriers à la fois, mais, du plus modeste au plus aguerri, ils bénéficient pleinement de la place prépondérante qu'ils occupent dans l'imaginaire des Hiscontes, ce qui suffit à les rendre très populaires, à leur conférer un grand prestige et une grande influence, autrement dit une importance tout sauf négligeable dans le jeu politique hisconte. L'organisation d'une expédition, son retour ou son non-retour et les résultats qu'elle obtient ont immanquablement un retentissement considérable dans la vie du pays, et rejaillissent non seulement sur les explorateurs, mais sur les organisateurs de l'expédition et sur ceux qui l'ont financée. Et un objet ou un artefact ancien, ou ayant un rapport quelconque, réel ou supposé, avec le passé de Fantasia, peut parfois faire la fortune de celui qui l'a rapporté des contrées instables. Autant dire que toutes les personnes qui recherchent un tant soit peu le pouvoir en Hiscontie s'intéressent de très près à tous les voyages hors d'Hiscontie...

Les expéditions

Organiser une expédition est rarement bon marché.

Il existe bien sûr des multitudes de groupes d'aventuriers (au hasard, d'Aventuriers) isolés qui vont tenter leur chance dans les pays lointains : la plupart du temps ils n'en reviennent jamais, ou en reviennent soit fous, soit ruinés (souvent les deux) ; seuls quelques-uns parviennent à attirer l'attention d'un fameux érudit qui retranscrit le récit de leur voyage, ou à rapporter une relique ancienne qu'ils cèdent pour un bon prix à l'Etat royal ou à un riche collectionneur privé.

Mais les vraies expéditions, ce sont de grandes expéditions, qui rassemblent couramment plusieurs dizaines ou centaines de personnes hautement qualifiées, mages, érudits, guerriers, aventuriers-mercenaires, et partent dans une direction précise, avec des buts définis à l'avance (par exemple "aller jusqu'à cinq mille verstes à l'Ouest, puis revenir, en rassemblant autant de détails que possible sur les manifestations du Nonsense, la faune et la flore et les habitants de la région", ou bien "naviguer au Nord aussi loin que possible pour tenter de parvenir aux côtes d'un autre continent, s'il en existe un", etc.), et qui reviennent presque toujours, même si les gens (voire l'unique personne...) qui reviennent font parfois figure de rescapés ou de survivants plus que de voyageurs de retour... Ces expéditions sont planifiées plusieurs mois ou plusieurs années à l'avance, mettent longtemps à s'organiser, et restent absentes plusieurs années ou plusieurs dizaines d'années, quand elles ne disparaissent pas corps et biens. Elles sont financées par le Roi lui-même ou par de puissantes familles faisant partie de la noblesse ou de la grande bourgeoisie. Quelques-unes se font à l'initiative de l'Institut Pyramidal et ont toujours pour but d'en apprendre plus sur la nature et les manifestations de la magie dans le monde.

"Concrètement", l'organisateur d'une expédition a quatre tâches à accomplir pour la mettre sur pied :

- définir l'ampleur et les buts du voyage ;

- rassembler les fonds nécessaires et au besoin, des soutiens politiques ;

...les deux premières étapes allant souvent de pair : toute personne assurant majoritairement le financement de l'expédition sera en droit de demander une modification ou une redéfinition de ses objectifs, et possèdera plus généralement un droit de regard sur l'ensemble du projet, qu'elle utilisera plus ou moins selon son temps et son intérêt pour la question.

- recruter les explorateurs de façon à former une équipe cohérente et compétente, mais aussi choisir la ville qui servira de point de rassemblement et de point de départ ;

- pourvoir à tout l'équipement nécessaire, ce qui n'est pas très difficile, mais aussi aux moyens de transport de l'expédition, chose nettement moins évidente s'il s'agit d'un voyage par voie de mer ou d'une ascension vers le Haut Ciel.

Une expédition se rassemble toujours en ville et part toujours d'une ville, bien entendu de Stalis pour les plus importantes. L'annonce des préparatifs d'une expédition fait immanquablement grand bruit dans la ville où elle est proclamée, et se répand comme une traînée de poudre dans tout le pays ; elle inaugure une période de véritable effervescence, qui culmine au moment du départ, lequel se fait en grande pompe et est souvent l'occasion de réjouissances régionales, voire nationales, afin de porter bonne chance aux voyageurs. Mais l'affaire est ensuite rapidement oubliée, surtout en cas d'événement politique important ou de manifestation notable du Nonsense susceptibles de distraire l'attention de l'opinion.

Le retour de l'expédition est souvent synonyme de triomphe ou de ruine pour son ou ses organisateurs : c'est à ce moment que les fortunes se font ou se défont, que les entrepreneurs ou les armateurs se trouvent subitement en possession d'un prestige immense ou bien entièrement ruinés. Pour le Roi, c'est l'occasion de renforcer durablement sa popularité et son pouvoir personnel, ou au contraire de subir un revers cuisant qui l'affaiblit face aux mages et à la noblesse. Quant aux explorateurs qui ont la chance de revenir vivants et sains d'esprit (et il arrive parfois, heureusement, que des expéditions reviennent sans subir de dégâts trop importants), leur popularité est assurée au moins pour plusieurs années, et ils sont à peu près sûrs de ne jamais tomber dans la misère, quand ils ne font pas tout bonnement fortune en vendant certains objets trouvés sur leur chemin ou en recevant les récompenses promises au moment de leur recrutement : fortes sommes d'argent, terres, titres de noblesse ou charges importantes dans l'administration royale (il arrive parfois qu'un explorateur devienne ainsi Baron d'un fief hisconte ou Ministre au Palais du Roi), ces récompenses étant en premier lieu accordées au(x) chef(s) de l'expédition.

Enjeux et intérêts

Comme je l'ai dit, toutes les personnes s'intéressant au pouvoir en Hiscontie s'intéressent aux expéditions hors d'Hiscontie, et cela n'a rien de paradoxal, bien au contraire. Toutes ont des intérêts à faire valoir et des fins auxquelles parvenir :

Les explorateurs : malgré tous les dangers que comporte une expédition et l'existence de véritables injustices pour certains voyageurs de retour, il apparaît qu'en général, l'entreprise en vaut la peine. Parvenir à mener à bien un voyage hors d'Hiscontie et à en revenir vivant est un moyen d'ascension sociale très efficace ; en dehors même des récompenses mentionnées plus haut, l'explorateur, mais aussi toute sa famille et ses descendants, se trouvent dotés d'une aura de considération qui leur attire systématiquement le respect et la bienveillance des Hiscontes, où qu'ils aillent et dans presque dans toutes les circonstances. Par la suite, on peut tomber malade, vivre dans la pauvreté la plus complète, être disgrâcié par le pouvoir royal, on restera toujours "celui qui a eu le courage d'aller voir ce qu'il y a au-delà des frontières". Être explorateur ou être notablement connu pour avoir un parent explorateur enclint votre entourage à ne pas vous laisser tomber et même à vous rendre de menus services à l'occasion. Certains explorateurs tombés dans la misère après avoir été ruinés et chassés de la cour ont ainsi pu survivre modestement, mais décemment, grâce aux bons soins du voisinage.

Il faut cependant bien faire la différence entre la réputation des explorateurs qui sont partis en voyage hors d'Hiscontie dans le cadre d'une expédition organisée par le Roi ou un notable quelconque, et ceux qui sont partis de leur propre initiative ou en petits groupes isolés. La réputation de ces derniers est nettement moins assurée et souvent beaucoup moins positive : en effet, les Hiscontes ont tendance à assimiler le cadre officiel d'une expédition à une garantie de respectabilité et de bonne santé mentale pour ceux qui y participent (c'est faux, mais c'est ce qu'ils pensent). Et quand un explorateur part tout seul ou avec deux ou trois compagnons et qu'il revient, on a tendance non à l'admirer ou à le respecter mais à se défier de lui, pour une raison simple et fondamentale : les Hiscontes craignent comme la peste les Insensés, les explorateurs qui reviennent en Hiscontie après avoir été "infectés" par le Nonsense au cours de leur voyage. Le voyageur de retour devra donc montrer patte blanche, c'est-à-dire multiplier les signes de "normalité". S'il a le malheur de passer pour un peu trop "excentrique" ou "décalé" (même s'il est parfaitement sain d'esprit !), il n'en faudra pas plus pour que tout le monde le prenne pour un fou, qu'on l'évite autant que possible et qu'on le regarde par en-dessous dans les rues. Au pire, il se trouvera quelqu'un pour appeler la Garde et demander son internement dans un asile d'Insensés. Commenceront alors de longues heures d'examens et d'interrogatoires durant lesquelles le ou les malheureux explorateurs de retour devront faire et refaire d'innombrables fois la preuve que non, ils ne sont pas Insensés, ni même soupçonnables d'être sur le point de le devenir...

Notons à ce propos une différence notable entre les villes et les campagnes : dans les petits villages de province d'où n'est jamais partie la moindre expédition et où on vient rarement recruter des explorateurs, les gens ont bizarrement beaucoup plus tendance à voir des Insensés partout, et d'autant plus qu'ils n'en ont généralement jamais vus. Leurs craintes ne sont pas toujours infondés, mais leurs soupçons tendent souvent à la paranoia... quand ils ne constituent pas un moyen tout volontaire d'écarter un voisin ou un rival gênant. Dans les villes, en revanche, il est plus fréquent de croiser des voyageurs, de voir partir ou revenir des expéditions, et les citadins ont moins tendance à trop se méfier ou à accuser n'importe qui d'être un Insensé à la première bizarrerie venue ; cela s'explique en partie par le fait que les principales "villes d'expéditions" (Stalis, Olmart, Karacy, Rod-Ninos et quelques autres plus petites) sont très bien surveillées par la Maison de Veille et abritent de nombreux mages et érudits habitués à reconnaître les manifestations du Nonsense chez un Insensé.

Les plus riches : le financement de voyages et d'expéditions en tout genre est l'une des composantes principales de l'activité de "mécénat" exercée par les Hiscontes les plus riches. Même pour eux, les frais occasionnés sont conséquents et les risques importants : on a vu plus d'une fois un riche commerçant ou un armateur fortuné se ruiner entièrement en finançant une expédition qui, manque de chance, n'est jamais revenue ou n'a absolument rien rapporté. C'est pourquoi seuls les gens vraiment très riches peuvent se risquer à monter de grandes expéditions par eux-mêmes ; les autres préfèrent s'associer entre eux, ou se contenter d'entrer dans le financement d'une expédition royale, cette dernière solution ayant l'avantage de garantir des indemnités en cas d'échec (remboursées à plus ou moins long terme, le délai allant de quelques années à... plusieurs générations si les caisses de l'Etat sont "momentanément" vides). Pourquoi diable risquer des pans entiers de sa fortune dans les hasards d'une expédition dont, au fond, on pourrait apparemment se passer ? D'abord pour le prestige : si les gens riches sont souvent l'objet de la vindicte populaire, passant pour des affameurs et des accapareurs de ressources, ceux qui s'affichent ostensiblement comme mécènes d'expéditions vers le lointain bénéficient aussitôt d'une réputation bien plus favorable, celle d'esprits éclairés, de bienfaiteurs soucieux de trouver les moyens de préserver la stabilité du pays contre les incursions du Nonsense, bref, de véritables humanistes "désintéressés". Avoir du prestige et une bonne réputation auprès du peuple augmente considérablement le pouvoir et l'influence dont on dispose dans les cercles de gens aisés et de nobles et aussi à la cour du Roi. De là l'intérêt du mécénat comme moyen de mener à bien des intrigues financières ou politiques : grâce au mécant, un commerçant, un armateur, un propriétaire foncier, se trouveront plus facilement des relations, auront leurs entrées au Palais car le Roi sera leur débiteur, et obtiendront ainsi de faire prospérer leurs affaires, d'acheter plus facilement des terres, des concessions dans les mines, des charges d'officiers du Roi...

Les nobles : pour les nobles riches, leurs intérêts sont les mêmes que ceux des riches non nobles ; mais les grandes familles nobles d'Hiscontie (c'est-à-dire les descendants des chevaliers qui combattirent pour Henyas pendant la Guerre des Vassaux, ceux qui sont liés de façon lointaine à la famille royale des Tifelmas ou à l'ancienne branche des Fennovar, voire à la dynastie disparue des empereurs des Trois Empires) ont une inclination certaine pour les intrigues politiques. Certains n'ont pour but que de rester aussi longtemps que possible les favoris du Roi ou de garder le contrôle des postes les plus importants de son administration ; d'autres espèrent secrètement, à terme, obtenir le trône par une alliance ou une succession avantageuses. Pour ces derniers, une grande popularité constitue l'assurance d'un soutien de la foule en cas de contestation d'une succession ou même d'une tentative de coup d'Etat qu'ils pourraient entreprendre... la démagogie n'est pas inconnue en Hiscontie.

Le Roi : le Roi trouve de multiples avantages à organiser des expéditions vers l'extérieur. L'argument le plus souvent avancé est tout simplement une continuité avec les tout premiers souverains hiscontes, les Fennovars, qui tentèrent, dès après la Guerre des Vassaux, de lier contact avec d'autres pays stables de Fantasia, afin de rompre l'isolement de l'Hiscontie. Le fait est qu'en plus de 1500 ans d'expéditions successives, cet objectif n'a toujours pas été atteint de façon satisfaisante, même avec les peuples de la Stratosphère, qui demeurent encore bien lointains et semblent peu disposés à nouer des relations durables avec l'En-Bas. De fait, il se passe désormais parfois plusieurs années sans que le moindre voyage vers l'extérieur ne soit entrepris ; mais le pouvoir royal a toujours veillé, dans l'histoire du pays, à lancer périodiquement de grandes expéditions vers le lointain, toujours en exaltant le vieux mythe de l'exploration du monde. Pourquoi ? A peu près pour les mêmes raisons qui faisaient lancer des croisades dans notre monde réel : cela fait rêver le peuple, cela occupe constamment les élites susceptibles de remettre en cause le gouvernement, et cela éloigne durablement ceux qui autrement finiraient par constituer un danger s'ils restaient inactifs dans le pays : les combattants, notamment olmartois. Bref, explorer les pays instables à l'extérieur est aussi un excellent moyen d'assurer la stabilité sociale et politique à l'intérieur. Les Rois d'Hiscontie l'ont très bien compris et n'ont pas fini de mettre cela à profit ; sans compter que toutes les expéditions un tant soit peu réussies remontent durablement la popularité du Roi et contribuent à renforcer la dynastie en place, ce dont elle a toujours besoin face aux ambitions dévorantes des grandes familles nobles (récompenser un noble un peu trop encombrant en lui confiant la direction d'une expédition est d'ailleurs un très bon moyen de s'en débarrasser en l'envoyant se perdre dans les contrées instables...).

Les érudits et les mages : ils ne sont pas détachés du jeu politique ou des tentations de l'ambition, loin de là, et certains parmi les plus puissants ou les plus influents, y compris d'anciens explorateurs, ont oublié tout souci de connaissance au profit des luttes de pouvoir. Heureusement, il y en a aussi d'autres qui se préoccupent réellement d'apprendre ce qu'est le Nonsense ou de découvrir la nature profonde de la magie. Ceux-là s'intéressent aussi beaucoup aux explorateurs : ce sont eux qui vont les interroger à leur retour pour recueillir les récits de leurs voyages, lire et dupliquer leurs notes et leurs carnets de route, examiner les objets qu'ils ont ramené. Certains, en nombre non négligeable, sont prêts à accompagner des expéditions pour tenir eux-mêmes des journaux de voyage et élaborer leurs théories directement d'après leurs propres observations. Pour les érudits et les mages, l'enjeu à long terme des expéditions hors d'Hiscontie reste la découverte ou l'élaboration d'un moyen de se garantir du Nonsense ; ainsi les mages aimeraient-ils pouvoir trouver une nouvelle forme de magie qui aurait les mêmes capacités que la fameuse chaomancie des Trois Empires, à savoir stabiliser des régions entières et les protéger définitivement de l'Absurde. La chose est loin d'être faite, d'autant que les expéditions ne sont pas toutes des réussites...

Quelques expéditions importantes dans l'histoire de l'Hiscontie

896 et 906 après J : deux expéditions mandatées par Henyas Ier Fennovar, qui achevèrent l'exploration de l'Hiscontie, pas encore entièrement peuplée à l'époque, et reconnurent les limites au-delà desquelles le Nonsense se manifestait de nouveau. Ces limites devinrent et sont toujours les frontières du pays.

1001 après J : première expédition maritime, dans la Mer Notoire. Elle est mandatée par le roi Fariam Fennovar, qui vient alors de construire la toute première flotte de guerre hisconte, et dirigée par Kaer Fennovar, le dauphin. De nombreuses observations sont réalisées concernant la faune (et aussi la flore sous-marine, grâce à trois cloches de plongée embarquées), mais aucune terre n'est repérée, ni continent ni île. Une partie du voyage consiste en un cabotage près des côtes à l'Ouest et à l'Est ; le Nonsense semble se manifester avec une égale intensité dans ces deux directions. Une carte de la côte Nord de ce qu'on nomme alors le Continent hisconte est dressée, mais elle ne reste pas valide longtemps ; toutes les expéditions qui suivent cartographient un tracé (très) différent à chaque fois. Sur une vingtaine de navires, seuls cinq reviennent, les autres ayant été décimés sur le chemin du retour par une gigantesque trombe.

1014 après J : seconde expédition maritime, mandatée par Yz Jala Fennovar. Il sombre dans la démence avant son retour trois mois plus tard. L'expédition découvre un archipel de six petites îles, qui n'existait pas au moment de la première expédition. Ces terres semblent épargnées par l'Absurde. Des gisements aurifères nombreux y sont découverts. Une petite colonie est fondée sur l'archipel et des liaisons régulières avec Rod-Ninos sont établies. La richesse des gens qui viennent s'établir sur ces îles fait nommer l'archipel "Archipel de l'Anneau d'Or" ou "Archipel des Bienheureux". Le chef de l'expédition, Sane Hedrin, renommé pour son excentricité, crée lui-même la première station balnéaire hisconte.

1097 après J : grande expédition maritime vers le Grand Océan, qui revient après presque quatre années de périple. Elle est organisée dans des conditions catastrophiques par Linn, un Cynon aussi connu pour l'immensité de sa fortune que pour la discipline de fer qu'il impose à ses hommes. Le recrutement des 1200 hommes d'équipage et la construction des quelques quinze caravelles ont pris plus de cinq ans. La flotte maintient le cap à plein Nord, mais plusieurs tempêtes et phénomènes aux conséquentes similaires l'entraînent à s'égarer quelque part plus à l'Est ; elle parvient de justesse à éviter de se perdre complètement. Si neuf navires sombrent au cours du voyage, à cause des tempêtes, des étranges manifestations de l'Absurde en pleine mer (mer d'huile au sens propre ; soudaine disparition de toutes les eaux ; montée vertigineuse et heureusement momentanée de la température de l'eau, qui fait bouillir toute la mer ; changement de vagues en bulles, et nombre d'autres phénomènes atterrants) on compte miraculeusement moins d'une centaine de morts, grâce aux compétences hors pair déployés par Linn et les différents capitaines, mais aussi par les marins eux-mêmes. Cette expédition est une réussite éclatante : la somme d'informations et d'observations rapportée est phénoménale et connaît peu d'équivalents dans l'histoire des expéditions hiscontes. C'est au cours de cette expédition que les navires hiscontes atteignent la côte de l'Austrasie, qui ressemble à un pays à peu près stable, mais d'un accès incroyablement long et difficile.

1110 après J : une expédition terrestre est chargée de reconnaître les régions situées au Sud, au-delà d'un petit désert qui s'étend entre les montagnes. On n'entendra plus jamais parler des soixante explorateurs qui partent à ce moment.

1138 après J : expédition vers l'Ouest et des régions encore seulement explorés par de petits groupes. Quatre mois plus tard, la moitié seulement des explorateurs reviennent, et la moitié de ces survivants sont devenus Insensés. Malgré l'intérêt évident des informations récoltées, on garde le souvenir d'un échec cuisant. Les expéditions qui suivent sont de moindre ampleur et tout aussi insatisfaisantes.

1267 après J : toutes les liaisons maritimes avec l'Archipel de l'Anneau d'Or sont brusquement rompues. Une expédition de secours envoyée par le roi constate que l'archipel tout entier a disparu, englouti sous les eaux selon toute probabilité.

1346 après J : expédition vers les Contrées Souterraines. Une centaine d'hommes et plusieurs machines novatrices disparus à tout jamais. Les organisateurs sont ruinés et le trésor royal est durablement amputé.

1435 après J : retour de l'expédition envoyée en 1445. Un groupe d'une cinquantaine d'Hiscontes se matérialise non loin de la ville d'Enaq ; ces gens expliquent qu'ils auront été envoyés en expédition vers l'Ouest dix ans après, et qu'ils auront été victimes d'une manifestation du Nonsense qui les aura fait reculer dans le temps. Personne ne les croit. Ils n'ont pas trop des dix ans dont ils disposent pour organiser l'expédition en question, qui sera composée de leurs doubles qui ne sont pas encore partis.

1445 après J : les explorateurs de retour en 1435 réussissent à organiser à temps leur propre expédition pour éviter un paradoxe temporel, dont ils redoutent la possibilité. Hélas, trois d'entre eux, qui savent qu'ils sont destinés à mourir en cours de route, puisqu'ils n'ont pas été de retour mais sont désignés pour accompagner les autres, refusent de partir. D'étranges phénomènes se produisent à l'endroit du départ, sur la berge du lac qui s'étend près d'Enaq. La ville est à moitié détruite et restera instable en permanence pendant presque deux cents ans, jusqu'au moment où des Chaomanciens venus des Trois Empires stabiliseront la région par leurs enchantements et permettront à Enaq d'être de nouveau habitée. Entre temps, le retentissement de l'affaire a suscité une telle inquiétude dans le pays que toute expédition hors d'Hiscontie est suspendue. Les voyages ne reprennent qu'après l'invasion tri-impériale.

1599 après J : les descendants d'un groupe de marins de l'expédition de 1097, qui avaient choisi volontairement de rester sur les rivages d'Austrasie pour en entreprendre l'exploration et étaient parvenus à fonder une colonie isolée, parviennent à regagner l'Hiscontie après une incroyable odyssée en terre instable. Mais ils sont issus d'unions entre des explorateurs hiscontes et des tous sont tenus pour Insensés ; personne ne veut les héberger, ni écouter leur récit. Ils meurent tous les uns après les autres dans la misère la plus complète.

1636 après J : premier vol en haute altitude d'un aéroptère, l'Elias, sous la direction du Professeur Arkin.

1643 après J : premier vol d'aéroptère au-dessus de 100 kilomètres d'altitude, avec Gérard Xaphtan pour capitaine.

1650 : premier voyage de Swann Koja chez les Nuagins du Haut-Ciel (dans la Stratosphère, à peu près au-dessus de l'Hiscontie). Organisée à grand peine en raison de problèmes financiers liés aux nombreuses manifestations du Nonsense pendant la construction et les essais des engins volants : elles rendaient les aéroptères inaptes au vol avant qu'ils ne puissent atteindre la Stratosphère. Les trois aéroptères utilisés seront finalement construits directement dans la Stratosphère, par des ouvriers munis de talismans leur permettant de voler et de survivre convenablement dans les airs.

1649, 1652, 1653 : expéditions de Wilhelm Fennovar, cousin du roi, vers l'En-Haut ; organisées en grande pompe, elles sont peu ambitieuses dans leur exploration des vastes étendues stratosphériques, mais extrêmement fécondes en informations sur la faune et la flore des régions déjà explorées.

1653, 1659, 1665, 1670 : nouvelles expéditions de Swann Koja dans le Haut-Ciel, principalement chez les Nuagins. Swann parcourt d'immenses distances dans le Ciel. Il parvient à s'éloigner à plus de deux milliers de kilomètres de l'Hiscontie et à survoler plusieurs contrées instables sans subir les manifestations du Nonsense, actif uniquement dans l'En-Bas. Il recueille de précieuses informations sur le mode de vie et les déplacements des Nuagins dans le Haut-Ciel, puis sur les cités volantes des Aéro-Nains, et soupçonne l'existence d'un troisième peuple stratosphérique, les Célusiens, encore très mal connu.

Années 1670-1720 : période faste de l'exploration du Haut-Ciel. Plusieurs centaines d'expéditions stratosphériques organisées en une cinquantaine d'années.

1831 après J : départ d'une grande expédition terrestre vers l'Est, dirigée par Alme d'Enaq, un riche commerçant, et comptant presque trois cents personnes. Ne la voyant pas revenir, on finit par l'oublier. Seules quelques personnes savent comment elle est revenue, par l'Est aussi, en 1868 : cette année-là, le 23 du mois du Dragon, une bonne centaine d'explorateurs, tous métamorphosés en lilliputiens et ne mesurant pas plus d'une vingtaine de centimètres, entrèrent à Karacy et rendirent compte de leur voyage à un érudit qui parvint à les reconnaître. Leurs descendants vivent toujours dans cette ville.

1875 après J : voyage du Baron Sigmund Von Rawt en Homoventrie, où il découvre plusieurs Peuplades Insensées (Homoventres, Homoballons, Sylvêtres).

1735 après J : expédition catastrophique dans le Haut-Ciel ; les quatre aéroptères rassemblés par Théodore de Zweiz chutent brutalement pour une raison inconnue juste avant d'atteindre les nuages ; pas un seul de leurs occupants ne survit.

2025 après J : une nouvelle expédition vers le Haut Ciel s'organise présentement, sous la direction de Dryphane et Selma, deux mages S'Raal.

 

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