Les Ondins, entre mythe et histoire

 

Que savent donc les autres peuples fantasiens des mystères qui nagent sous les eaux ? A vrai dire, pas encore grand-chose. Voici un bref aperçu des connaissances des peuples déjà présentés au sujet des habitants des mers :

Les Hiscontes

Bien que disposant d'une acceptable façade maritime sur le Grand Océan, les Hiscontes, malgré les multiples expéditions maritimes qu'ils ont entreprises au fil des siècles, n'ont obtenu que très peu d'informations concernant les profondeurs. En fait, ils n'ont même pas réussi à trouver trace d'une autre terre par-delà l'Océan. La raison en est que les multiples obstacles naturels ou pas opposés par l'Océan et le Nonsense, qui se manifeste autant sur mer que sur terre, les ont tout simplement empêchés de faire progresser leurs navires suffisamment loin. L'unique terre qu'ils aient jamais abordée était un petit archipel, nommé aussitôt l'Archipel d'Or en raison de ses gisements aurifères fabuleux - mais hélas, à peine une vingtaine d'années après sa découverte, il fut englouti par les flots - sans doute un effet du Nonsense... Devant ces multiples échecs, on comprendra facilement que les rois qui régnèrent successivement sur l'Hiscontie aient fini par se décourager et par renoncer aux expéditions en mer, coûteuses tant en financements qu'en matériaux et en vies humaines.

Cependant, des indices nombreux entretiennent la croyance des Hiscontes en l'existence d'une vie sous les mers. De nombreux marins revenant de la pêche racontent souvent avoir entr'aperçu de curieuses créatures, mi-femmes, mi-poissons, qui les regardaient s'approcher avant de se dérober en plongeant au dernier moment. D'autre part, l'immense fonds des contes et légendes hiscontes abonde en récits de rencontres de créatures marines - mais curieusement, ces rencontres se produisaient autant près des lacs ou des rivières que sur les rivages de l'océan. Il semble que nombre de ces récits remontent à une époque très ancienne, celle où les premiers Hiscontes commençaient à peine à s'installer dans le pays. Les légendes et les anciennes croyances au sujet des ondins sont si cohérentes et si étrangement précises - on a même conservé des rudiments d'une langue ondine, que certains anciens seigneurs hiscontes auraient parlée il y a près de mille ans - que nombreux sont les érudits à s'être demandés si ces légendes ne contenaient pas une part de vérité. D'où deux hypothèses, qu'il appartiendra à l'avenir de prouver ou d'infirmer.

La première hypothèse veut qu'un peuple ondin réside effectivement quelque part sous l'Océan et qu'il y ait bâti un empire très étendu. Cet empire se serait même prolongé, avant l'arrivée des premiers nomades hiscontes, jusque dans les eaux douces à l'intérieur de l'Hiscontie. Les premiers hiscontes auraient donc pu rencontrer des ondins, des sirènes, etc. simplement en pêchant ou en naviguant sur les les lacs ou les fleuves. Par la suite, avec l'extension de la nation hisconte et le nombre croissant d'hommes et de nains aux environs des cours d'eau, les ondins se seraient retirés dans leur mer originelle, abandonnant leurs colonies des eaux douces, vers 1000 ap. J environ. Quand, comment et pourquoi cette migration s'est-elle produite, on n'en sait rien précisément. Il se peut que, dans un premier temps au moins, les Ondins aient tenté de nouer des relations amicales avec les humains - d'où les restes importants de culture ondine (ou pseudo-ondine) dans les légendes hiscontes. Mais pourquoi auraient-ils subitement décidé d'abandonner lacs, fleuves et rivières ? Certains érudits supposent qu'humains et ondins finirent par s'affronter, et que les humains, avantagés par leur contrôle des terres cernant les plans et cours d'eau, gagnèrent la guerre - ou que les ondins préférèrent fuir en abandonnant le combat. Cette hypothèse paraît bien simpliste ; surtout, aucun indice historique ne faisant référence à ce prétendu conflit ondino-humain, il n'y a rien pour l'étayer (ce qui n'empêche pas quelques nobles ou bourgeois pompeux de se référer à cette hypothèse, afin de s'inventer une glorieuse généalogie d'ancêtres ayant jadis combattu "Ceux des Eaux Troubles"). Une autre hypothèse veut que les ondins se soient simplement retirés peu à peu au contact des humains, n'ayant tout simplement pas envie de les côtoyer - mais là encore, objection : pourquoi a-t-on dans ce cas gardé tant de descriptions et d'éléments de leur culture ? Troisième option, celle d'une maladie destructrice, bénigne pour les hiscontes - habitués aux maux terrestres - mais mortelle pour les ondins, qui n'auraient eu d'autre choix que de s'éloigner des foyers de contamination. Dernière hypothèse, celle qui fait coïncider l'arrivée des premiers nomades en Hiscontie avec une période de forte activité du Nonsense, laquelle aurait fini par chasser les Ondins - mais là aussi, cela pose problème : d'une part, les Hiscontes ne se seraient pas installés en Hiscontie si le pays ne leur avait pas paru facile à habiter ; et d'autre part, pourquoi les Ondins auraient-ils été affectés par les manifestations terrestres du Nonsense plus que les humains eux-mêmes ?

La seconde grande hypothèse au sujet des ondins évoque directement une longue période de cohabitation amicale entre les ondins et les hiscontes, qui aurait duré entre la fin des Guerres des Vassaux (900 ap. J) et 1200 ap. J environ. Cette théorie se fonde sur une légende bien connue des hiscontes, celle de l'antique cité de Fluence, qui aurait été engloutie par un raz-de-marée dans un passé lointain. Fluence fut autrefois chantée par les anciens chroniqueurs comme une ville-port à mi-chemin entre terre et mer, construite en partie sur un sol ferme, sillonné de canaux artificiels, et en partie sur de larges et somptueux pilotis. Hommes, nains et ondins y auraient cohabité en bonne intelligence, les uns habitant des demeures sous les eaux, les autres, les maisons de la surface, et tous circulant dans les canaux, à la nage ou à bords d'embarcations légères. Léger problème, cependant : l'existence d'une telle ville-port n'est attestée par aucune ruine ni aucun vestige ; de plus, en admettant même qu'elle ait existé, Fluence ne suffirait pas à justifier la présence d'ondins dans toutes les eaux douces de l'Hiscontie entière. En outre, on n'a jamais connu aucun raz-de-marée en Hiscontie... Une manifestation du Nonsense spectaculaire et dévastatrice, alors ? Cela reste possible : un tel événement, un Effet Phantasmagorique d'une telle ampleur, a pu causer de gros dégâts et marquer les esprits au point d'engendrer une telle légende. Mais sans preuve, comment en avoir la certitude ?

Décidément, bien des choses restent à prouver pour les érudits et les explorateurs hiscontes...