Le Perce-orages

 

Taille : très grande : dix fois celle d'une cathédrale gothique, dont il a la forme, avec la nef et ses salles aux piliers et aux voûtes innombrables, la ou les hautes tours, les flèches de métal acérées, les arcs-boutants, semblables à des branchies, abritant des pièges à vent qui consistent en d'épais vitraux que l'on peut ouvrir graduellement ; les étages inférieurs sont de superficie décroissante, et la partie ventrale du Perce-orages est tout aussi travaillée que le reste, avec statues, pleins et déliés de roche, arcs, et deux ou trois flèches métalliques.

Equipage minimum : une cinquantaine de nains de ciel, dont au moins une dizaine pour entretenir les pièges à vent, une autre dizaine pour le contrôle des vents et les décharges de foudre, une autre dizaine pour servir aux équipements offensifs (les flèches lanceuses de foudre, la rosace et les gargouilles souffleuses de tempête, les orgues de guerre porteurs d'effroi), une autre dizaine pour assurer la vie à bord et la gestion des provisions embarquées, et une autre dizaine, enfin, pour manoeuvrer le vaisseau et effectuer tous les calculs relatifs à la navigation.

Résistance : les épaisses parois de pierre sont presque à toute épreuve (entre 45 et 85 points d'armure selon les endroits). Les vitraux sont en verre incroyablement épais, et possèdent pas moins de 30 points d'armure ; points faibles, oui, mais points faibles tout relatifs...

Capacité à vide : 10 000 points de TAI au bas mot. De fait, la conception même du vaisseau implique d'y laisser en permanence un grand volume vide, pour la circulation des vents et la délicate manipulation de la foudre. Il est donc rare d'utiliser un Perce-orages comme transport de troupes. Il arrive cependant qu'il en embarque à son bord,

Autonomie : peut tenir des mois en vol sans escale ; aucun besoin de carburant ; provisions placées dans de grands réservoirs creusés dans la pierre, quelque part dans les étages inférieurs.

Milieux : aérien uniquement. Ne se pose jamais. En escale ou en carénage, reste en vol auprès de la cité volante qui lui sert de port d'attache.

Note : l'idée du perce-orages est venue de la vision de Notre-Dame de Paris au grand soleil sous de gigantesques nuages blancs qui se modelaient dans le ciel d'un bleu vif.

Le Perce-orages est comme une cathédrale volante, un vaisseau de pierre aux vastes voûtes, à la surface creusée de statues, de volutes et de fers forgés, qui parcourt le ciel en quête des plus violentes tempêtes qu'il puisse traverser pour, au milieu de leurs nuages noirs, attirer sur sa flèche leur foudre et l'accumuler dans ses piles alchimiques, aspirer le vent dans ses pièges aux volets grands ouverts et le faire tourbillonner entre ses mille colonnes au plus profond des cryptes de ses coursives, et une fois parvenu face à l'armée de ses adversaires nuagins, les assourdir des échos ramassés du tonnerre, foncer sur eux, ses flèches devenues éperons, de toute la puissance du vent captif qui le maintient en l'air et le fait avancer à la vitesse des aquilons, accompagner la déroute ennemie du son profond de ses orgues logées au coeur de sa nef et dont les tuyaux résonnent en des tons graves, et rester là enfin, immobile au milieu des nuées teintées de rouge par le sang gazeux des cétacés volants, avant de repartir au loin, après une escale dans une des cités volantes, explorer des cieux indomptés, percer d'autres orages.

Ne pas oublier de décrire la fraîcheur de la pierre, les échos dans les salles intérieures immenses et vides de tout meuble, là où claquent les éclairs, et les couloirs sinuant dans la masse du rocher, où les vents se poursuivent en hululant, tandis que les ingénieurs et pilotes aéro-nains se tiennent fermement, pour circuler, encordés aux épais anneaux de métal scellés dans les blocs, emmitouflés qu'ils sont dans d'épaisses fourrures, car ce n'est pas la chaudière qui meut l'engin dans les airs, mais la puissance du vent décuplée par les pièges où il est attiré, et que l'on courbe à volonté vers le sol pour faire monter vers la lune la cathédrale de cet aéronef gothique.

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On dit que l'exceptionnelle capacité des Perce-orages à voler avec si peu de moyens de sustentation leur vient de la pierre même où ils sont façonnés. En effet, il ne faudrait pas croire que ces vaisseaux hors du commun sont faits de blocs de pierre assemblés ; non, ils ont été entièrement creusés dans une seule masse incroyablement gigantesque, et cela contribue encore à faire d'eux de véritables oeuvres d'art volantes aussi splendides qu'effrayantes et redoutables, dont la légende ne s'est pas seulement répandue parmi les Guerriers nuagins qui ont eu à les affronter. Vers l'an 950 après J, une cité volante du clan Orpol, égarée loin des autres à la suite d'un ouragan d'une violence cataclysmique, se retrouva par hasard engagée au milieu d'une sorte de champ d'astéroïdes stratosphérique : à des dizaines de kilomètres à la ronde, dessus, dessous, de tous les côtés, des rochers presque aussi gros que la cité elle-même semblaient suspendus immobiles dans les airs, loin au-dessus des nuages. C'était la première fois que des Aéro-Nains rencontraient un pareil phénomène. Bien entendu, les mineurs se passionnèrent pour les propriétés de cette roche volante, et les guerriers d'Orpol eurent tôt fait d'en mesurer toutes les potentialités militaires. Flamel est le nom de l'architecte qui eut le premier l'idée démente d'une nef entièrement creusée dans ce matériau, et les Perce-orages furent le résultat de ses audacieuses recherches.

Aujourd'hui, les Perce-orages constituent le fleuron de la flotte militaire aéro-naine ; ce sont les vaisseaux les plus puissants, les plus impressionnants, les plus rares. Ces monstres de pierre sont les symboles des attributions militaires du clan Orpol, dont ils font la fierté, et qui lui suscitent bien de l'envie de la part des autres clans. En effet, seuls les gens d'Orpol savent comment les manoeuvrer et les réparer, et seules les archives d'Orpol conservent le secret jalousement gardé de leur construction, ainsi que l'emplacement de l'endroit, très lointain, mais non inaccessible, où se trouve toujours, quelque part dans les immensités stratosphériques, le champ des roches volantes, seul endroit connu des Aéro-Nains à abriter le matériau dont ils sont entièrement faits. A ce jour, la flotte aéro-naine compte sept Perce-orages opérationnels ; un huitième, en partie en ruine, est en réparation dans un endroit tenu secret par le clan Orpol. On ignore si le clan a entrepris la construction d'autres vaisseaux de ce genre, ou même si des projets d'autres aéronefs bâtis dans le même matériau sont à l'étude. Pour l'heure, le Perce-orages reste la légende meurtrière par excellence et l'emblème de la puissance conquérante des Nains de Ciel, parfaitement adaptés au combat stratosphérique. Ce n'est pas demain que les cornacs nuagins des baleines volantes parviendront à s'empêcher de frémir en entendant au loin résonner les orgues funestes, ou crépiter dans les nuages environnants les éclairs qui signalent la venue d'une de ces nefs de pierre...

 

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