Le Ciel Fantasien : Topographie aérienne

 

Le Ciel de Fantasia est fait d'une atmosphère respirable, constituée à 23% d'oxygène, à 65% d'azote, et à 22% d'une foule d'autres gaz plus ou moins exotiques. Cette atmosphère forme une couche d'air qui recouvre entièrement Fantasia (excepté en quelques endroits inexplorés) et haute d'environ 50000 kilomètres. Cette couche est elle-même partagée en plusieurs sous-couches, qui portent différents noms en fonction de leurs altitudes et de leurs particularités respectives.

La carte du ciel, à votre droite, montre ces différentes sous-couches, depuis la troposphère, directement en contact avec le sol, et dans laquelle baignent toutes les créatures terrestres, jusqu'à la ionosphère, couche la plus haute et la moins explorée. Chacune de ces sous-couches abrite certaines créatures qui lui sont propres, et qui ne quittent jamais leur habitat naturel. Les baleines volantes de la stratosphère, par exemple, ne descendent jamais sous les nuages de la troposphère, et ne montent jamais jusqu'à la ionosphère, bien que leur métabolisme le leur permette. De même, les créatures terrestres (celles qui habitent la troposphère) ne montent jamais plus haut que les nuages. Les différentes couches de l'atmosphère sont également habitées par des peuplades aériennes qui, tout comme les animaux, ne descendent jamais plus bas (une présentation de ces peuples vous sera fournie plus loin). On ignore la raison de ces séparations.

Seuls quelques humains ont eu la curiosité d'explorer les hautes couches de l'atmosphère fantasienne. Ce sont ces humains, que l'on appelle aéronautes, aérostiers ou mages volants selon leurs moyens de transport, qui ont décrit les animaux et les peuples que vous allez découvrir. Certains de ces gens ont passé presque toute leur vie à voler, et nombreux sont ceux qui ont payé de leur vie leur soif de savoir ; mais les accidents sont cependant beaucoup moins fréquents que lors des explorations des zones instables. Il faut dire que le ciel fantasien, contrairement à la plupart des habitats terrestres, est d'une stabilité remarquable. Les manifestations du Nonsense y sont pour ainsi dire presque inexistantes (je parle bien évidemment des zones situées au-dessus de la troposphère, dont la stabilité varie en fonction des pays qu'elle surplombe). La stratosphère, par exemple, est l'endroit idéal pour voler ; mais la stabilité des couches aériennes va en décroissant dès que l'altitude augmente : ainsi, le Nonsense recommence à donner des signes de sa présence dès que l'on dépasse la mésosphère. La ionosphère, qui ne fait presque pas partie du ciel tellement elle est élevée, et qui rejoint l'espace, est quant à elle totalement sous influence du Nonsense. La preuve en est que peu de gens osent encore s'y aventurer de nos jours.

Au-dessus des nuages... hélas, ce ne sont que ceux du Bas-Ciel et non les nuages stratosphériques....

1. La troposphère

C'est la partie du ciel la plus basse, celle dont la partie inférieure touche les terres, et par conséquent celle que respirent tous les habitants de Fantasia ; on l'appelle aussi le Bas-Ciel. Elle s'élève jusqu'à une altitude d'environ 12 ou 15 kilomètres. Il n'y a pas grand-chose à en dire, sinon qu'elle abrite la plupart des créatures volant à basse altitude (comme les Requins Antigravs, les Shamulz, les Schmürxzls à trompe hexagonale, et toutes les autres bestioles de ce genre). On y trouve aussi des dragons, des avions, quelques nuages porteurs de pluie et de nombreuses montagnes. C'est la plus fréquentée de toutes les couches de l'atmosphère, et par conséquent la mieux connue de toutes. On sait par exemple que la température moyenne y oscille entre 25 et 0 degrés, et diminue quand l'altitude augmente jusqu'à atteindre - 50 degrés (fourrures chaudes recommandées pour le voyage) ; les manifestations du Nonsense y sont plus ou moins fréquentes et importantes selon les endroits : en Hiscontie, par exemple, elles sont rarissimes, tandis qu'elles sont monnaie courantes dans les Mille Forêts ou le Désert des Transplans. Notons que, quoi qu'il puisse s'y passer, aucun habitant de la troposphère (sauf les humains) n'ose jamais s'aventurer plus haut que les nuages, là où commence la stratosphère. On ignore la raison exacte de cette crainte, que certains érudits attribuent à la présence de prédateurs féroces dans les hauteurs.

2. La stratosphère

Au-dessus de la troposphère, à partir d'une quinzaine de kilomètres d'altitude, le ciel s'élargit pour faire place à la stratosphère. La température y varie entre - 50 et 0 °C, mais en augmentant avec l'altitude. Malgré ces températures extrêmes, cette couche d'espace aérien est de loin la plus riche en peuples et en créatures, qui ont merveilleusement su s'adapter à leurs conditions de vie. C'est notamment à cet endroit que l'on trouve les bancs des majestueuses baleines volantes, ainsi que nombre d'autres êtres tous plus remarquables les uns que les autres, que nous verrons plus loin en détail. Cette partie du ciel est la plus stable de toutes, son degré d'instabilité oscillant entre 1 et 2, ce qui en fait la zone la plus propice à l'installation des hommes ; malheureusement, son accès depuis l'En-Bas est on ne peut plus limité... Parmi les peuplades qui habitent cette partie du monde, citons par exemple les Nuagins, dont le mode de vie rapelle celui de nos Esquimaux terrestres, les Aéro-Nains et leurs villes volantes, et les Caelusiens aux formes étranges. Notez qu'on trouve également des nuages dans cette partie du ciel, mais ils sont encore plus beaux, grands et majestueux que ceux que nous pouvons voir depuis la terre. On trouve aussi de l'ozone, un gaz absolument remarquable par ses propriétés physiques, mais ça, les gens de là-haut n'en ont strictement rien à faire.

3. La mésosphère

Plus haut encore se trouve la mésosphère, à quelques 50 kilomètres d'altitude. A partir de cette zone, les explorations d'hommes venues de la terre ont été moins nombreuses, et la réalité se confond peu à peu avec la légende au fur et à mesure que l'on monte encore. La température dans cette partie de l'atmosphère varie entre 0 et moins 90 degrés. Certains savants ont avancé que ces variations excessives faisaient pivoter instantanément tout corps qu'on y plongeait (on ne sait pas pourquoi, mais c'est comme ça). On ne sait pas tellement ce qui vit dans cette couche d'atmosphère ; certains érudits situent à cette altitude le légendaire royaume des Antipattes, qui vivent sur une terre inversée la tête en bas. Ils ont ainsi le privilège de pouvoir regarder quand ils le veulent la magnifique couche des gigantesques nuages qui parsèment la stratosphère, ainsi que d'observer le vol d'un ptésiphalène de temps à autre. La mésosphère monte jusqu'à une centaine de kilomètres de haut, après quoi elle laisse la place à la thermosphère.

4. La thermosphère

Le désert aérien. A partir de là, la stabilité recommence à baisser, le Nonsense y reprend ses quartiers, la température augmente effroyablement pour atteindre des 1500°C à 750 kilomètres, altitude à laquelle elle laisse place à la Ionosphère. Mais paradoxalement, le Nonsense, même si on sait qu'il y est beaucoup plus présent qu'ailleurs, n'y agit pas, et c'est pourquoi il ne se passe absolument rien. Ce n'est qu'une couche d'air vide épaisse de 650 km, et tout explorateur passant par là devra jouer aux cartes et s'éventer vigoureusement jusqu'à l'étape suivante.

5. La Ionosphère

Terrible et mystérieure, sombre et immense, tels sont quelques-uns des adjectifs que l'on pourrait accoler à ce nom évocateur de ionosphère. Au-delà de 750 kilomètres d'altitude, l'atmosphère devient terriblement chaude, avant de se refroidir terriblement dès 1000 km. Elle perd en densité ; elle s'effiloche et cède peu à peu la place à un vide nocturne perpétuel : l'espace. Car la ionosphère, c'est cela : le vide spatial qui entoure Fantasia, et qui s'étire jusqu'à près de 5000 km avant de se perdre dans les brumes de l'Ether qui sépare les mondes.

L'atmosphère de la ionosphère n'est pas à proprement parler irrespirable, et un humain peut rester vivant en la parcourant ; mais il devra prendre garde à ne pas y séjourner trop longtemps, ni à redescendre trop vite dans les couches inférieures, car ses poumons éclateraient alors sous la brusque pression que l'atmosphère terrestre leur imposerait. Dans la ionosphère, la gravité est complètement nulle, et on flotte comme un un bain (sauf qu'on ne s'y noie pas). On sait peu de choses sur cette partie du monde, et on a peu de certitudes, malgré le nombre incroyable de légendes qui courent à son sujet. C'est ici, par exemple, que la mythologie fantasienne place les légendaires cachalots célestes, lointains et mystérieux cousins des baleines volantes, qui peuvent plonger dans l'espace-temps comme dans une mer pour descendre dans les profondeurs de la préhistoire. On y trouve aussi les Chronocampes, des êtres tout aussi mystérieux qui semblent vraiment venus d'un autre monde et d'une autre époque. Personne ne sait véritablement si ces étrangetés sont dues à l'action du Nonsense, ou si celle-ci prend fin passé la mésosphère, toujours est-il que les explorateurs qui s'y sont aventurés sont peu nombreux à en être revenus. Seuls les Mages Ethernautes ont le pouvoir de s'y déplacer à leur aise, avant de rejoindre l'Ethersphère, la Sphère d'Ether, au-delà de laquelle s'ouvrent de multiples portails qui mènent au reste du Multivers, et que seul un Transplanaire peut ouvrir et passer.

L'Ethersphère marque la frontière du plan de Fantasia. Personne, bien entendu, ne pense à ce qui se trouve après elle : il n'y a rien, de toute évidence. Seuls quelques fous insensés prétendent que l'Ether n'est qu'une ceinture autour de Fantasia, et qu'après elle il existe encore d'autres mondes, encore d'autres terres, tout aussi peuplées et tout aussi frappées par le Nonsense. Mais ces divagations-là, personne n'y croit, excepté les autres fous.

 

La Stratosphère

 

La stratosphère est la partie du ciel la plus habitée et la plus stable ; elle mérite donc qu'on s'y intéresse de plus près.

Ecologie de la Stratosphère

La stratosphère est comprise entre le haut de la troposphère, situé à environ 15 km du sol, et le bas de la mésosphère, à quelques 50 km de la terre. La frontière naturelle basse de la stratosphère est la couche de nuages qui s'étend au-dessus des terres de Fantasia ; ces nuages apportent les pluies, la neige, la grêle, et toutes les manifestations naturelles que connaissent les hommes. La frontière haute est beaucoup plus indistincte, car elle est uniquement faite d'air, ce qui ne la distingue pas du reste de l'atmosphère ; néanmoins, on sait qu'on a pénétré dans la mésosphère lorsqu'on ne croise plus aucune baleine volante, ni aucun des êtres qui peuplent naturellement la stratosphère.

Les Limbes

Ce qu'ignorent la plupart des humains d'en bas, c'est qu'une seconde couche de nuages, beaucoup plus grands, dérive très loin au-dessus de leurs têtes, à mi-hauteur de la stratosphère. Ces nuages, que l'on appelle les Limbes, sont de taille variable : les plus petits sont à peine plus grands qu'un îlot sur la mer ; les plus grands sont parfois plus étendus que plusieurs pays réunis. Ces nuages ressemblent beaucoup à leurs petits frères du Bas-Ciel, sinon qu'ils sont plus beaux, qu'ils n'apportent pas de pluie, ni de grêle (pour la plus grande partie d'entre eux) et qu'ils sont en moyenne beaucoup plus gros. Ils ont également cette étrange capacité de ne pas arrêter la lumière, mais de la laisser filtrer doucement à travers eux, ce qui la laisse arriver jusqu'au sol. Il existe plusieurs types de nuages stratosphériques :

- une bonne partie de ces nuages est faite de nuages normaux ; ils sont faits de vapeur d'eau à basse température, mais ne donnent que rarement naissance à des averses ; dans ces moments-là, leur eau filtre doucement vers le bas, comme une éponge qu'on égoutte, et tombe en cascade sur les nuages d'en-bas, qui la filtrent de nouveau en gouttes de pluie ou en flocons de neige. Ces nuages sont doux, cotonneux et fort peu denses, presque immatériels. On peut les traverser sans aucun problème. Seuls les Nuagins sont capables de marcher à leur surface comme sur la terre ferme, ou même de s'y déplacer comme en nageant, ce qui explique qu'ils soient presque seuls à avoir leurs maisons au creux de leurs volutes. Les nuages-colonies peuplés par les Nuagins forment un puissant empire nomade qui parcourt le Ciel de Fantasia au gré des courants aériens.

- certains autres nuages sont beaucoup moins poétiques ; ce sont de gros nuages gris-noir, qui portent en eux de vastes quantités de pluie, de grêle, etc. Ces nuages charrient avec eux de véritables tempêtes, des orages, voire des cyclones ou des typhons. Leur taille est égale à celle de leurs confrères inoffensifs, ce qui en fait de véritables monstres aériens à la puissance dévastatrice. Fort heureusement pour les peuples terrestres, ils ne descendent (presque) jamais plus bas que la stratosphère, et lorsqu'ils le font, ils diminuent de taille et de puissance en cours de route, ce qui les rend moins dangereux. En revanche, les peuple stratosphériques ont appris depuis longtemps à se méfier de ces nuages sombres, et à les éviter lorsqu'ils en voient. Mais malgré ces précautions, il arrive souvent que des baleines volantes ou des engins aériens soient pris dans ces tempêtes gigantesques, et finissent emportés par les vents ou foudroyés par les éclairs.

une troisième espèce de nuages, appelée couramment "plaine stratosphérique" par les explorateurs, est formée d'une substance aux propriétés curieuses : elle flotte dans les airs comme la vapeur d'un nuage normal, mais retient ce qu'on y pose comme un sol terrestre ; cela permet de marcher dessus, et même d'y séjourner longtemps. Plusieurs peuplades stratosphériques y ont élu domicile et y habitent depuis des centaines d'années ; elles y ont édifié de véritables cités volantes et forment aujourd'hui des civilisations puissantes (voir un peu plus bas). - outre les nuages flottent aussi dans cette partie du ciel des sortes d'îles de terre volantes couramment appelées "plaines stratosphériques" par les explorateurs. Elles sont peu habitées, mais abritent une faune et une flore extrêmement riches, composées en partie d'espèces venues de l'En-Bas et en partie d'espèces propres à la stratosphère.

Vous remarquerez qu'il peut être très dangereux pour un aventurier non averti de voyager dans la Stratosphère. En effet, la lumière du soleil est réfractée par les nuages, ce qui leur confère une blancheur irréelle et des couleurs éclatantes ; la luminosité ambiante suffit à causer, à long terme, des éblouissements, voire de graves troubles de la vision. Les gens de l'En-Bas doivent donc porter des lunettes protectrices pour ne pas être aveuglés ; les Aéro-Nains eux-mêmes font encore grand usage de ces lunettes, même si beaucoup de sont habitués à cette étrange lumière au fil du temps. Quant aux Nuagins, ils ne ressentent aucune gêne, ayant toujours vécu parmi les nuages.

Les Vents

Les vents stratosphériques sont nettement moins forts et agités que les vents qui balayent la surface de l'En-Bas ; ils existent néanmoins, et sont animés d'une puissance non négligeable. Car s'ils n'atteignent que rarement les 50km/h, ils font dériver tous le nuages de la stratosphère, y compris ceux sur lesquels ont été érigées des cités entières (dont le poids terrestre doit se compter en milliers de tonnes). Les plaines stratosphériques dérivent ainsi lentement au-dessus de Fantasia, ce qui permet aux Nuagins curieux d'observer les différents pays d'En-Bas, tout en restant à l'abri des effets du Nonsense. C'est par ce moyen qu'on a pu décrire de nombreux pays de légende, comme par exemple les Royaumes Géométriques de Karr.

Les vents se déplacent toujours plus ou moins dans la même direction, c'est pourquoi il serait assez facile d'en établir des cartes ; les peuples stratosphériques disposent à coup sûr de leurs propres cartographes aériens dont la tâche est précisément d'observer les courants aériens pour tracer ces cartes. Néanmoins, peu d'explorateurs à ce jour ont eu le privilège de voir ces documents, qui gardent aujourd'hui encore une valeur militaire certaine, même si une paix relative s'est établie entre les différentes civilisations stratosphériques depuis une centaine d'années. Quelques aventuriers ont passé leur vie à sillonner le ciel pour suivre les vents ; ils en ont conclu que les plaines stratosphériques, guidées par de puissants courants de la haute atmosphère, tournent selon un parcours précis, tantôt au-dessus des terres, tantôt au-dessus des mers. Un parcours complet prendrait à peu près soixante-dix ans, dont une trentaine passée au-dessus des terres habitées. Mais il reste encore beaucoup à faire, car le circuit exact n'a pas encore été tracé avec précision.

Les peuples de la stratosphère adorent certains de ces vents comme des divinités ; ainsi, le Wholstreem, ou "Voix de Dieu" pousse doucement la plaine de Geerta (là où vivent les Nuagins) dans le ciel, tandis que les Aquilons joueurs portent chance aux chevaucheurs de ptésiphalènes. On sait aussi que les mystérieux Caelusiens au corps d'écume accordent une grande place au Vent dans leur religion, mais on n'a pas encore pu en apprendre davantage là-dessus.

L'écoulement du temps

Il existe une théorie - non encore confirmée à ce jour - qui raconte que le temps ne s'écoule pas de la même façon sur terre et dans le ciel. Il serait sujet, à des intervalles réguliers formant un cycle sans fin, à des flux et des reflux transportant ceux qui l'habitent dans le passé et dans le futur. A l'origine de ce phénomène serait une curiosité météorologique, la Trombe, sorte de tornade formée d'eau venue des profondeurs de l'océan et de courants aériens descendus de la stratosphère, qui ne se formerait que lorsqu'un nuage de tempête stratosphérique passerait au-dessus de certaines parties de l'océan. De telles trombes (appelées "chronophages" par certaines populations) seraient assez puissantes pour soulever des navires entiers et les transporter soit dans l'espace, soit dans le temps, jusqu'en des endroits perdus à des distances considérables. On pense que cette croyance est due aux recherches menées jadis sur l'Espace-Temps par les mythiques Klok-Tomtes, une civilisation de gnomes disparue depuis près d'un millénaire. Quant à la véracité de cette légende, personne n'a pu l'établir à coup sûr, mais de nombreuses rumeurs circulent à ce propos, jusqu'en Hiscontie, au sujet de voyageurs enlevés avec leurs navires par les Trombes, et emmenés par la force des vents jusque sur la Lune d'il y a cent mille ans. Bien entendu, tout cela reste du domaine de la légende, mais on pourrait constater de nombreuses disparitions de voyageurs tous les cent ans, et toujours aux mêmes endroits : quelque part sur la mer ou dans le ciel, sous un nuage stratosphérique...

Faune et flore de la Stratosphère

La stratosphère est la couche atmosphérique dont la faune et la flore sont les plus riches et les plus variées. Je dis bien la faune et la flore, car il existe des plantes vivant à plus de 25 km d'altitude ; mais nous verrons cela plus tard.

Or donc, la faune de la stratosphère fantasienne est en bonne partie constituée d'animaux ne vivant qu'à ces altitudes (comme le Crabe des Nuées, par exemple) et qui font partie de l'écologie propre à cette partie du monde. Mais il existe aussi des créatures qui ne passent qu'une partie de leur vie dans la Stratosphère : les baleines volantes, par exemple, suivent un cycle de vie complexe.

Les créatures qui volent dans le ciel utilisent plusieurs moyens selon leurs espèces ; certaines utilisent des ailes, d'autres ont recours à des poches de gaz qui leur permettent de se rendre plus légères que l'air, à la façon des dirigeables. Ces créatures et ces plantes forment un écosystème unique, sans équivalent dans le reste du monde ; des chaînes alimentaires s'y sont constituées, reposant pour la plupart sur les plantes dérivantes, des organismes végétaux adaptés à la vie aérienne, et dont on pense qu'ils sont arrivés les premiers à cette altitude, suivis par des animaux herbivores, puis par leurs prédateurs. Les espèces ont ainsi évolués les unes en fonction des autres, aboutissant finalement à des animaux étranges, et surtout d'une taille très supérieure à celle de leurs cousins terrestres, l'étendue immense du ciel fantasien permettant les mutations les plus surprenantes et les plus démesurées.

Les peuples de Fantasia ont dû apprendre à composer avec cette faune, qui n'est pas toujours amicale. Combien de gens furent dévorés dans les temps anciens par les Rorques, ces féroces carnassiers des hautes altitudes ? Mais de nos jours, les civilisations stratosphériques sont à l'abri de toute attaque d'animaux sauvages, et les Nuagins en ont même domestiqué certains pour en faire des montures. Ils s'en nourrissent également, les élèvent, les chassent, cultivent des plantes aériennes et les étudient avec le plus grand intérêt. Bref, la faune et la flore prennent une importante place dans leur culture et leur mode de vie.

 

La Mésosphère

 

Si un voyageur audacieux quitte la paix tranquille de la Stratosphère, qu'il délaisse les cités nuagines, les colonies flottantes des aéro-nains, les récits spectraux des Caelusiens, et qu'il décide de continuer son ascension, voici ce qu'il trouvera, passé les derniers grands nuages de la Stratosphère.

Ce qu'on y trouve

A partir de 50 kilomètres d'altitude, on ne trouve plus ni nuages, ni tempêtes, ni oiseaux dans le ciel. Il n'y a même presque plus de vent, excepté quelques rares brises descendues d'on ne sait où, mais qui rafraîchissent agréablement le voyageur. A cette altitude, il règne un froid glacial, parfois plus froid encore que celui de la stratosphère, car des masses d'air gelé dérivantes font baisser la température à près de moins quatre-vingt dix degrés.

On dispose de peu d'informations sur ce qui se trouve dans la Mésosphère ; en effet, les explorateurs qui sont passés par là ont été frappés par les nombreuses manifestations du Nonsense qui se produisent à cette altitude, et n'ont pas cherché à explorer plus avant cette partie du monde. Car la stabilité du ciel a ses limites, et à partir de la Mésosphère, le Nonsense recommence à affecter "normalement" l'environnement, provoquant toutes sortes d'événements tous plus inattendus et variés les uns que les autres. Ces événements n'étant, pour les gens qui sont passés par là, que des dangers supplémentaires, ceux-ci ont pris le parti d'aller voir encore plus haut, afin d'échapper à ce péril potentiel. Ce en quoi ils se sont trompés, car plus haut, c'est encore pire...

La Mésosphère est sans nul doute habitée ; cependant, nul biologiste ne serait capable d'en établir la faune et la flore exacte : le niveau d'instabilité dépassant celui de la Troposphère, il avoisine en moyenne 5 sur 10 sur l'échelle d'instabilité ; à ce niveau, il n'y a déjà plus aucune espèce distincte, car les mutations sont trop fréquentes, et créent en permanence de nouveaux individus différents des précédents. Au reste, tout dépend du moment où passe le voyageur : les animaux peuvent apparaître et disparaître d'un instant à l'autre ; on peut parfaitement voyager pendant 20 kilomètres sans croiser rien ni personne, puis tomber sur un troupeau de créatures volantes quelques minutes plus tard.

L'Antipattie

On ne connaît avec certitude aucun habitant civilisé à la Mésosphère. Cependant, de nombreux récits de voyageurs font référence à une terre mythique nommée "pays des Antipattes". Selon ces histoires, il existerait une île volante quelque part dans le ciel mésosphérique ; cette île serait une île "à l'envers". Ses habitants, nommés Antipattes par la légende, vivraient sur le côté inférieur de l'île, et marcheraient pieds en haut et tête en bas sans la moindre difficulté.

D'après des hypothèses scientifiques, l'île d'Antipattie serait constituée d'un matériau dont la composition inverserait la gravité pour tout ce qui se trouverait à proximité de lui ; de la même façon qu'un aimant attire le métal, ce matériau attirerait les êtres vivants vers le haut. Le seul récit écrit dont nous disposions à propos de cette île est le "Voyage en Antipattie" de Samuel Kilingue. Malheureusement, son manuscrit étant déchiré, il nous en manque plusieurs chapitres.

 

La Thermosphère

 

Tout homme un tant soit peu sensé ne dépassera pas la Mésosphère. Il ne s'est déjà que trop aventuré dans ces hauteurs mystérieuses ; à cette altitude, elles deviennent meurtrières, car hostiles à toute exploration. Ceux qui n'ont pas été retardés par les tempêtes de la Troposphère, ceux qui ne sont pas restés en compagnie des Nuagins, ceux qui n'ont pas été tués dans un ouragan stratosphérique ou dévorés par les Rorques, ceux qui ne sont pas morts de froid ou de faim, ceux qui ont réchappé aux péripéties d'un voyage à travers la Mésosphère, ceux qui sont encore assez fous pour penser être capables d'aller plus loin, ceux-là seuls peuvent oser tenter la traversée de la Thermosphère.

La Thermosphère est un désert aérien. Ce n'est qu'une vaste bande d'atmosphère vide de toute autre chose que l'air. Le voyageur s'était déjà bien ennuyé en passant par la Mésosphère, mais ici il ne sera plus distrait : c'est le vide, le bleu à perte de vue. Très loin en bas, on entr'aperçoit les nuages de la Stratosphère ; sur les côtés, le bleu clair du ciel infini s'étend loin, très loin, plus loin que vous ne pouvez le voir. Au-dessus, le ciel est plus sombre, la nuit s'apprête à vous engloutir : vous êtes déjà presque arrivé dans la Ionosphère, l'antichambre de l'espace. Vous ne voyez plus la terre, dérobée depuis longtemps à votre regard par les nuages, et estompé par le bleu qui l'efface petit à petit. La température, passé les 100 kilomètres d'altitude, commence à remonter ; du froid glacial auquel vous vous étiez déjà habitué depuis la Stratosphère, et qui n'avait fait que s'accentuer pendant la montée, vous allez passer petit à petit à une température plus supportable. D'abord fraîche, puis douce, puis tiède, la chaleur augmentant encore, vous n'aurez plus besoin des chaudes fourrures emportées pour parer au froid ; la température grimpe, monte en même temps que vous ; il fait chaud, il fait plus chaud, encore plus chaud...

Petit à petit, l'atmosphère devient étouffante. Et pas la moindre humidité pour vous rafraîchir. Espérons que vous aurez prévu un sort de fraîcheur, ou un équipement de climatisation adéquat, sans quoi c'est la déshydratation assurée. Et l'eau potable ? y en a-t-il assez ? Là encore, soyons prévoyant... elle aura vite fait de s'évaporer si on ne la conserve pas au froid. Et les provisions ? assurément, elles seront gâtées par la chaleur. Quant aux équipements divers et variés, ils risquent fort d'être affectés par cette température qui n'en finit pas de grimper. Le métal se dilate, le bois devient de plus en plus sec, les essences et autres liquides se changent en vapeurs délétères... A partir de 200 kilomètres d'altitude, la température devient insupportable. Elle dépasse très rapidement les 60 degrés, puis augmente de plus en plus vite. Quiconque ne s'abrite pas au frais risque d'être brûlé gravement ; le bois, rendu extrêmement inflammable par sa déshydratation, finit par brûler. A 250 km, le métal entre en fusion, ainsi que tous les autres matériaux usuels. A 300 km, tout contact avec l'air ambiant suffit à enflammer n'importe quoi ; les êtres humains s'enflamment eux-mêmes comme des torches. La température ne retombera qu'avec l'entrée dans la Ionosphère, à quelques 650 kilomètres d'altitude...

Bien entendu, il existe des moyens pour parer à cette chaleur monstrueuse ; la magie est le plus courant d'entre eux. Mais seul un mage assez puissant pour maintenir un sort en place pendant plusieurs semaines sera capable d'assurer une telle protection. Dans le cas contraire, il faut avoir recours à des objets magiques ; mais ceux-ci sont extrêmement coûteux, et seule une expédition financée par un roi ou un riche mécène aura les moyens d'en acquérir...

 

La Ionosphère

 

La Ionosphère marque la dernière étape que peut franchir un voyageur venu de la terre avant de s'aventurer dans l'espace. Le ciel s'arrête là, quelque part dans un ciel sombre comme la nuit, à peine piqueté d'étoiles lointaines. Passés la douce ambiance du bas ciel, le froid glacial de la stratosphère, puis les brasiers infernaux de la thermosphère, le voyageur à bout de forces et de courage découvre enfin ce pour quoi il a enduré toutes ces souffrances. Une vision unique, splendide, mais irréelle, comme sortie d'un songe. La nuit céleste baigne cet endroit. Dans les dernières chaleurs de la Thermosphère, un crépuscule soudain s'est abattu sur l'horizon, et a occulté les dernières visions de l'En-Bas et de la terre. Tous deux sont désormais bien loin à présent... Place au rêve, à la légende, place aux mystères de cet espace infini...

La Ionosphère se caractérise par plusieurs particularités. D'abord, il s'agit du plus lointain endroit de Fantasia jamais décrit par un voyageur. C'est Jockarn qui s'y aventura le premier ; il en dressa une description hâtive, mais véridique, qui représente à peu près tout ce que nous savons avec certitude de cette partie du monde. Par la suite, d'autres explorateurs y ont voyagé, mais peu en ont écrit autre chose que des légendes.

Comme je l'ai déjà dit, le ciel est sombre, d'un bleu profond presque noir. Seule brille la lune de Fantasia, désormais visible en permanence à cette altitude, ronde et blanche, comme l'ont si bien chanté les poètes fantasiens. Quelques points brillants luisent aussi dans cette nuit perpétuelle ; certains astronomes disent que ce sont des étoiles, mais cela n'a jamais été démontré avec certitude. En effet, après la Ionosphère et l'espace fantasien, s'étend l'éther qui sépare les mondes, et que seuls les mages Transplanaires osent tenter de traverser.

Dans la Ionosphère, la gravité s'estompe peu à peu, pour disparaître complètement aux alentours de 700 kilomètres d'altitude. A cette distance de la terre, on ne chute pas, on flotte. La gravité se fait toujours ressentir, mais très discrètement. En se laissant dériver dans le ciel sombre, on se rapprocherait peu à peu de la terre, et on finirait par retomber vers l'En-Bas ; mais un moindre effort suffit à se maintenir dans la Ionosphère et à ne pas replonger dans la chaleur insupportable de la Thermosphère. Par une chance inexplicable, le peu d'air qui subsiste encore à cette altitude exceptionnellement élevée suffit à rendre l'atmosphère respirable ; il suffit alors pour voyager de se propulser doucement dans l'espace, sans qu'il soit besoin d'un équipement quelconque, mis à part bien entendu de l'eau et des provisions.

A première vue, la Ionosphère est aussi déserte que l'était la Thermosphère : il ne semble y avoir rien d'autre que le ciel et les étoiles, la paix et le silence. Pourtant, c'est absolument faux. Les voyageurs ont souvent été trompés par cette apparente tranquillité ; en fait, on croise dans la Ionosphère toutes sortes de choses plus ou moins amicales, et souvent dangereuses pour qui ne les connaît pas bien. Ces choses, tout comme les voyageurs eux-mêmes, flottent dans l'espace, et semblent tourner autour de Fantasia ; elles peuvent être dangereuses, et ont déjà fait disparaître nombre d'aventuriers imprudents. Mais c'est là tout ce qu'on peut affirmer avec certitude. En effet, la Ionosphère ne se laisse pas facilement explorer, et les récits que les voyageurs en rapportent diffèrent beaucoup les uns des autres : certains parlent de voyages dans le temps, d'autres d'espaces infinis, d'autres de créatures malfaisantes ou de vaisseaux spatiaux perdus entre les étoiles. De ces récits sont nées de nombreuses légendes, comme celle du Cachalot Céleste , du Chronocampe ou du Pêcheur Spectral. Mais pour établir la vérité, c'est une autre paire de manches. Ce qui est sûr, c'est que le Nonsense n'est certainement pas étranger à ce fouillis mythologique. Il semble qu'il se manifeste dans la Ionosphère plus que dans toute autre partie du monde, mais d'une façon légèrement différente. Beaucoup reste à faire dans ce domaine d'exploration, et tout érudit de bonne foi conviendra volontiers que la Ionosphère est encore pour une bonne part inexplorée...

 

L'exploration du Ciel Fantasien

 

Bien entendu, les humains ne vivant pas dans le ciel, ils ne savaient pas ce qui s'y trouvait avant de l'explorer... Voici une petite histoire de l'exploration du ciel, telle qu'elle fut menée par les Hiscontes.

Les vols à basse altitude

Ce ne fut qu'en 1503 que fut créée la première machine volante vraiment efficace, inventée par un ingénieur nain hisconte. Les machines volantes qui avaient été construites jusque là ne permettaient que de voler à basse altitude, lorsqu'elles permettaient autre chose qu'un vol plané suivi d'un atterrissage plus que mouvementé...

Cette machine, appelée l'aéroptère, n'était rien d'autre qu'une nacelle surmontée d'une vessie remplie d'un gaz plus léger que l'air. Le principe était extrêmement simple, mais c'était la première fois qu'on l'utilisait pour transporter des humains. L'aéroptère avait l'avantage de pouvoir voler à n'importe quelle altitude, selon la quantité de gaz que renfermait la vessie. Par la suite, l'aéroptère connut de multiples améliorations, qui le conduisirent peu à peu à ressembler à ce que nous appelons un dirigeable. C'est alors qu'on entreprit le tout premier vol organisé avec passagers, en l'an 1509 ; le roi Fennovar, 55ième du nom, vola à bord d'un aéroptère l'année suivante.

Comprenant l'intérêt que représentaient les aéroptères pour l'exploration et le développement du pays, Fennovar LV entreprit la construction d'une flotte aérienne royale, qui resta dans l'histoire sous le nom de Grand' Armada. la Grand'Armada avait plusieurs objectifs :

- d'abord, elle renforcerait encore la domination royale sur les régions hiscontes les plus éloignées, et éteindrait toute velléité éventuelle de révolte chez les seigneurs provinciaux. Dès 1515, le roi s'appropriait le droit exclusif d'exploiter la technologie de l'aéroptère. Seuls les ingénieurs royaux avaient le droit de travailler à l'amélioration des engins volants. En 1524, des balistes furent installées à bord des aéroptères et des plaques d'acier protégèrent les vessies à gaz, faisant de ces engins les plus puissants instruments de combat dont avait jamais disposé la royauté hisconte. Au demeurant, ces vaisseaux de guerre furent peu utilisés, et ne suffirent en rien à stopper la progression des armées tri-impériales en 1640, lors de l'invasion venue des Trois Empires.

- la Grand'Armada avait également un objectif scientifique, celui d'explorer les régions adjacentes à l'Hiscontie pour découvrir et coloniser de nouvelles provinces. Malheureusement, les manifestations du Nonsense vinrent très vite à bout des expéditions volant à basse altitude, et les aérostiers (membres d'équipage des aéroptères) disparurent par dizaines lors de ces vols de reconnaissance. Cela conduisit le roi à abandonner en 1630 toute exploration par la voie des airs.

- l'utilisation civile des aérostiers fut plus concluante. D'abord, ces engins volants donnaient une vue plus vaste des champs et des cours d'eau, permettant cartographier le pays de façon beaucoup plus fiable. On doit la première de ces cartes, qui est toujours utilisée aujourd'hui, aux travaux de Syril Malaffian, érudit et membre de l'Université royale. Ensuite, les aéroptères connurent un succès incontestable dans le domaine des transports, et ce jusqu'au Cataclysme Etrange. A partir de là, ils devinrent (pour de multiples raisons, notamment la perte des techniques de construction tri-impériales et des sorts de protection de la magie chaomantique) bien moins sûrs que les montures naturelles, comme les schmürxzls volants, un instant abandonnés au profit des aéroptères (les Postiers royaux recommencèrent à utiliser les schmürxzls en 1806, car les pertes de courrier dues aux accidents de vol des aéroptères devenaient trop fréquentes et trop graves).

L'aéroptère connut un déclin considérable après le Cataclysme Etrange. Les magnifiques engins construits par les Tri-Impériaux sous la domination Hiscascir, et qui rivalisaient de beauté et d'élégance avec les Palais eux-mêmes, disparurent de la circulation. Même le commerce par la voie des airs est aujourd'hui quasiment abandonné. Mais on assiste de nos jours à un nouvel intérêt des ingénieurs dans ce domaine ; les engins de vol à basse altitude semblent aujourd'hui s'orienter vers des appareils plus petits et plus maniables, des sortes de "montures mécaniques" basées sur une technologie différente de celle des aéroptères, qui imite le vol des schmürxzls.

Les premiers vols en haute altitude

Aéroptère hisconte, période tri-impériale, par TybaltLes premiers vols en haute altitude furent réalisés en 1636 ; cette date tardive s'explique par plusieurs raisons. D'abord, la plupart des gens pensaient qu'il n'y avait rien d'autre que de l'air au-dessus d'eux ; en effet, selon la raison populaire, "s'il y avait eu quelque chose, ça aurait fait de l'ombre". D'autre part, les projets des rares scientifiques prêts à s'intéresser aux hautes couches de l'atmosphère se voyaient retardés par la grande crainte des ministres du Roi, qui s'attendaient à trouver dans le ciel des choses encore pires que sur la terre. Ce n'est qu'en 1615 qu'un érudit de renom appelé le Professeur Arkin - professeur à l'Université, et qui avait déjà décliné plusieurs propositions de postes d'importance au Palais - réalisa un dossier d'enquête où il rassemblait toutes les légendes hiscontes ayant trait au ciel et à ses habitants. Il mit le Roi devant une évidence : ces légendes abondaient. Bien sûr, il ne s'agissait que de rumeurs, d'histoires, de contes que l'on racontait aux enfants le soir au coin du feu, mais leur nombre signifiait assurément quelque chose ; on n'invente pas autant d'histoires sans partir de faits réels. "Et tant qu'à faire, se disait le Professeur, si nous en avons les moyens, pourquoi ne pas aller vérifier ?"

Il obtint ainsi en 1633 l'autorisation de mettre sur pied une expédition dont le projet serait d'explorer les parties du ciel les plus hautes. Le financement et le rassemblement de l'équipement nécessaires prirent encore trois ans ; et c'est donc en 1636 que l'aéroptère Elios, avec à son bord le Professeur Arkin, ses assistants et une vingtaine d'aérostiers, décolla d'un aéroport aux environs de Stalis. L'appareil passa près d'une semaine dans les airs, et s'éleva à l'altitude exceptionnelle de 12 kilomètres, ce qui n'est presque rien à l'échelle de l'atmosphère fantasienne, mais était révolutionnaire à l'époque. Il n'y eut absolument aucun incident pendant le vol, ce qui encouragea le Professeur à organiser d'autres expéditions. En revanche, il prit soin de noter tout ce qu'il observait pendant ce premier voyage, afin de faciliter la suite de l'exploration. C'est lui qui signala la baisse régulière de la température avec l'augmentation de l'altitude, et les explorateurs qui vinrent après lui eurent ainsi soin de se munir de vêtements chauds et de sorts de chaleur pour pallier à cet inconvénient. Il élabora même une théorie sur cette baisse de température, mais celle-ci l'ayant amené à conclure que la température à une altitude de 100 kilomètres ne dépassait pas les moins deux cent cinquante degrés, elle fut vite dénigrée par les observations qui suivirent.

On s'étonna grandement de la stabilité du ciel ; pour une fois, on pouvait explorer un endroit sans qu'il advienne n'importe quoi à chaque instant. "Nous avons essayé le Nord, le Sud, l'Est et l'Ouest, déclara dans un discours au peuple le roi Fennovar LV, mais à présent, notre avenir est d'explorer le Zénith !" C'est pourquoi les premiers explorateurs du ciel furent appelés "hélionautes" : cavaliers du soleil*. Au début, les hiscontes se passionnèrent pour l'exploration des hauteurs ; mais cet enthousiasme retomba peu à peu, malgré les découvertes successives qui relancèrent l'intérêt du peuple à plusieurs reprises.

* Cette traduction n'est qu'approximative (naute signifiant normalement "marin") ; par la suite, le terme le plus fréquent pour désigner ces voyageurs du ciel fut "aéronaute", nom moins poétique, mais qui plaisait davantage aux principaux intéressés.

L'aventure des aéronautes

Dans les années suivantes, d'autres explorateurs se joignirent au Professeur Arkin ; parmi eux, citons Gérard Xaphtan, qui dépassa le premier les 50 kilomètres d'altitude ; Swann Koja, qui passa cinq ans chez les Nuagins et décrivit leurs cités volantes ; et Wilhelm Fennovar, un cousin du roi, qui s'intéressa de très près à la faune et à la flore de la stratosphère (on lui doit notamment de célèbres études sur la vie sociale des Flapodontes).

Il serait trop long de détailler ici chaque péripétie de cette grande aventure que fut l'exploration de l'En-Haut. Cependant, il faut savoir que la période de domination tri-impériale apporta beaucoup aux aéronautes, tant par l'intérêt que portèrent les Trois Empires à l'exploration des hautes couches de l'atmosphère que par la considérable amélioration des engins volants à cette époque. La découverte d'une vie spécifique à la Stratosphère relança considérablement les théories des érudits, qui jusque là croyaient cette vie impossible. Nombreux furent ceux qui imputèrent cette vie à l'action du Nonsense, mais il se révéla par la suite que la présence de chaque animal dans la Stratosphère se justifiait par une adaptation à ce milieu naturel ; cela donna lieu à de formidables débats entre scientifiques. Plus encore, les premiers récits des voyages que fit Swann Koja chez les Nuagins suscitèrent un intérêt encore plus grand. On se demanda si les Nuagins étaient des Humains, ou s'ils constituaient une espèce intelligente à part entière. On se demanda comment ils avaient élu domicile dans un endroit pareil. On se demanda bien d'autres choses encore ; malheureusement, on cherche toujours les réponses à beaucoup de ces questions... mais cette quête de savoir raviva les curiosités. On voulait aller plus haut, encore plus haut. Cette période fut une véritable apogée pour l'exploration du haut-ciel. Des aéroptères s'élancèrent par dizaines vers des hauteurs toujours plus élevées. En 1723, année du Cataclysme Etrange, on était déjà monté à près de 100 kilomètres de haut, et quelques aventuriers intrépides avaient déjà bravé les feux de la Thermosphère, rapportant de l'En-Haut les premières visions d'une Ionosphère sombre et mystérieuse.

Le déclin post-impérial

Hélas, la disparition soudaine des technologies tri-impériales porta un grand coup à cette exploration. On ne pouvait plus ni construire, ni réparer des aéroptères aussi performants que ceux qu'avait connus la période hiscascir. Peu d'apprentis connaissaient ce savoir-faire pour l'avoir appris auprès des artisans des Empires, et les tentatives d'imitation de ces techniques se révélèrent pour la plupart totalement inefficaces. Les anciens appareils furent perdus les uns après les autres dans des accidents, d'autant que les explorateurs exploraient maintenant les parties les plus dangereuses du ciel fantasien : la mésosphère, puis la thermosphère...

Peu à peu, on cessa de monter aussi haut qu'auparavant. Faute d'appareils et de savoir-faire suffisants, l'exploration des hauteurs sombra dans une période de déclin, puis d'abandon pur et simple. Seuls les quelques liens noués avec les peuples stratosphériques pendant l'apogée tri-impériale furent conservés, grâce aux efforts des nostalgiques de cette époque et de jeunes étudiants de l'Université qui se regroupèrent en communautés d'exploration aux effectifs peu nombreux, mais extrêmement motivés. Quant aux premiers rois de la dynastie Tifelmas, ils délaissèrent ce domaine d'exploration, se concentrant sur de vaines expéditions navales qui coûtèrent beaucoup et apprirent très peu.

Aujourd'hui : le renouveau

Fort heureusement pour les aéronautes, l'exploration de l'En-Haut semble de nos jours connaître un regain d'intérêt auprès de la population. Portée par les efforts récents de Tifelmas XXXIV pour éduquer le "bas peuple" et la vulgarisation scientifique, concept inconnu jusqu'alors, une nouvelle génération d'étudiants se presse à la porte des Universités. Curieuse de tout, et surtout de l'inconnu, elle s'intéresse au savoir perdu lors du Cataclysme Etrange, et cherche à compenser cette perte de toutes les façons possibles, soit en reconstituant ce savoir ancien, soit en le remplaçant par des connaissances nouvelles. Ces étudiants sont à l'origine de nombreux projets, dont celui d'une nouvelle expédition stratosphérique rassemblant érudits, mages et simples civils. Quelle sera le destin de cette expédition, nul ne peut le dire à l'avance ; mais l'avenir risque d'être fort intéressant de ce point de vue là...